BEFORE MIDNIGHT
Une île grecque, une villa magnifique, en plein mois d’août. Céline, son mari Jesse et leurs deux filles passent leurs vacances chez des amis. On se promène, on partage des repas arrosés, on refait le monde. La veille du retour à Paris, surprise : les amis offrent au couple une nuit dans un hôtel de charme, sans les enfants. Les conditions sont idylliques mais les vieilles rancoeurs remontent à la surface et la soirée en amoureux tourne vite au règlement de comptes. Céline et Jesse seront-ils encore ensemble le matin de leur départ ?
Tous ceux qui ont vu Before Sunrise et Before Sunset savent combien ces deux films sont deux petites pépites underground, deux longs-métrages minimalistes et intimistes précieux car touchés par cette grâce cinématographique qui nous embarque pour 90 minutes de bonheur cinéphile et spirituel aux côtés de ce tandem merveilleux composé de Jesse et Celine. A l’issue de leurs retrouvailles parisiennes, neuf ans après leur inoubliable nuit viennoise, nous avions laissé Jesse chez Céline, à deux doigts de rater son avion. Nous les retrouvons en Grèce, après un nouveau bond dans le temps de neuf ans. Cette fois-ci, la question du « SI » n’est plus hypothétique. Pendant tant d’années, ils s’étaient demandé quelle aurait été leur vie s’ils avaient pu se retrouver plus tôt, après leur rencontre. Before Midnight nous offre la réponse.
Le charme est rompu…
Celle que nous proposent Julie Delpy, Ethan Hawke et Richard Linklater (qui ont de nouveau écrit le scénario à trois) est désenchanteresse. En effet, la magie est rompue, tant pour le couple Jesse/Celine que pour la flamme de leur histoire. Nous retrouvons un homme et une femme qui ont visiblement été dépassés par la vie, la passion ayant laissé place progressivement à l’amertume, la frustration et la banalité d’un quotidien où l’éducation de leurs filles jumelles prend beaucoup de place. La crise de la quarantaine n’est plus une menace, elle est là. Céline se sent enfermée dans son rôle réducteur de mère et d’épouse. Jesse regrette de ne pouvoir voir son fils grandir. La rancoeur se nourrit des non-dits et de la frustration. Before Midnight n’est pas un film facile, quelle que soit l’affection que l’on prête aux personnages. Il évoquera forcément à des couples de longue durée quelques sentiments reconnaissables, tels que l’érosion de la passion ou la relative banalité des conversations. Bien sûr, on retrouve la saveur de leurs savoureuses joutes verbales, tout en ressentant qu’il y a quelque chose de cassé, tant dans leur histoire que dans l’aura de Jesse et Céline – pour ceux qui chérissent les deux premiers volets.
Un dernier chapitre dispensable ?
Ce troisième volet était-il nécessaire ? Before Sunset était exemplaire de subtilité, de finesse d’écriture et de poésie. Before Midnight rompt le charme et nous met la réalité en face. Nous ne sommes plus dans l’illusoire hypothétique mais dans le concret : ils ont vécu leur conte de fées. Ce qui est regrettable dans ce volet est que l’on sent beaucoup trop la présence (et la personnalité) de Julie Delpy qui vampirise le trio. C’est son identité qui ressort davantage du film plutôt que cet équilibre miraculeux qui se dégageait des deux premiers films. Ses défauts (l’humour gras et décomplexé abondant, le féminisme exacerbé…) sont beaucoup trop mis en avant, comme ce fut malheureusement le cas dans son décevant 2 days in New-York. La sensibilité de Hawke et la fluidité habile de Linklater se font beaucoup moins ressentir malgré quelques très beaux passages et plusieurs échanges riches. Les dialogues restent toutefois très naturels, le jeu des acteurs également. Hawke, Delpy et Linklater se connaissent parfaitement et cela se ressent dans leur jeu. La mise en scène est toujours aussi bonne, avec cette caméra discrète, accompagnant les deux personnages au gré de leur promenade.
Une rom-com désenchantée…
Si l’on considère Before Midnight comme le troisième volet du triptyque Before, alors celui-ci est manifestement celui qui excelle le moins. Il n’en demeure pas moins une réussite. Ainsi, détachés de toute considération sentimentale – nourrie de l’attachement et de l’envoûtement suscités par les deux premiers chapitres – on peut facilement considérer Before Midnight comme une comédie romantique réussie, drôle et attachante, avec ses moments woodyallenesques, ses reproches remplis d’amertume et ses réconciliations faites d’humour improbable, qui fait parfois aussi le charme d’un couple qui se connaît si bien mais parvient toujours à se surprendre et à s’attendrir. Une romcom caractérielle et douce-amère qui nous évoque la déliquescence passionnelle, le temps et la vie qui passent entre deux êtres et quelques fondamentaux essentiels qui subsistent, malgré tout. La vie ne peut être contrôlée et la satisfaction est rarement garantie. Faut-il pour autant se résigner ?
La fiche
BEFORE MIDNIGHT
Réalisé par Richard Linklater
Avec Ethan Hawke, Julie Delpy…
Etats-Unis, Grèce – Romance, Drame, Comédie
Sortie en salle : 26 Juin 2013
Durée : 108 min
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Je ne savais pas qu’il y avait un troisième épisode ! J’ai ADORE les deux premiers films ! Je suis trop contente ! J’espère tout de même que, malgré ce que tu écris, ça ne finit pas mal…
Le troisième volet sort mercredi prochain (le 26) en salles. Il est pour moi le moins bon des trois, mais c’est surtout parce que les deux premiers sont magnifiques. Celui-ci est plus simplement une très bonne comédie de moeurs, verbeuse et désenchantée.
[…] LA CRITIQUE DU FILM EN EXCLU […]
Je comprends ta critique, j’ai ressenti la même chose : une partie de moi aurait aimé rester dans la version fantasmée de leur couple parfait (car impossible). Pour ceux d’entre nous qui n’avons pas la quarantaine, on ne peut pas s’empêcher de penser « est-ce que c’est vraiment ça qui m’attend ? ».
Mais je trouve cela courageux d’avoir signé un film plus désabusé, qui reflète l’évolution de nombreuses relations sentimentales. J’attends avec impatience le 4ème épisode.
Je crois en effet qu’on a eu le même ressenti. Comme je le dis, on n’est plus dans un hypothétique couple « Et si on avait été ensemble ? ». On est dans la réalité, le concret. Jesse est resté à Paris, il a raté son avion. Ils ont vécu ensemble. Le film est forcément un désenchantement car on est dans la réalité d’un couple de 40 ans avec deux enfants. C’est désabusé et ça reflète la réflexion sur le couple. Toutefois, est-ce que l’on devient aussi peu passionnant et intéressé après presque dix ans de relation ? Je n’en suis pas certain.
J’en retiens toutefois deux très beaux passages, des plans-séquence à nouveau parfaits : celui de la voiture et celui de la ballade. Deux moments à nouveau merveilleux. Je retournerai le voir après sa sortie française car cela reste un très bon film.
[…] Nouvelle Vague ou la trilogie de Richard Linklater (plus que d’actualité avec la sortie de Before Midnight) et qui surpasse à mes yeux des oeuvres estimées comme Manhattan de Woody Allen. Reparti avec 6 […]
Mais tu as tout de même mis 3 étoiles ! Pour moi c’est mon préféré… Il m’a beaucoup plus parlé que les 2 précédents…question d’âge sans doute…
Si j’ai apprécié ce 3e épisode, c’est justement parce qu’il ne fait pas dans la redite poétique. Le 1er fonctionnait parfaitement par le caractère spontané, éphémère et incertain de l’histoire, prompte à ce côté poétique. Le 2nd cassait ça en donnant une suite à un film qui pour moi n’en attendait pas, et devait préférer laisser l’imaginaire du spectateur fonctionner quant à ce qui se passait après. Du coup donc le 2e épisode ne m’avait pas convaincu, d’autant que sa mécanique collait trop au précédent, la magie en moins, pour les raisons évoquées ci-dessus.
A cause de la rupture créée par le 2e épisode, j’ai abordé différemment le 3e. Et j’ai été très content justement qu’il rompe avec le côté poétique et confronte l’idéalisme du 1er à la réalité de la vie, à quelque chose de plus concret. On est dans quelque chose de tout autre, mais qui fonctionne parce qu’on connaît maintenant par cœur ce couple. Il y a des facilités dans le film, et le scénario n’est pas très original, mais il y a une telle énergie et un tel réalisme dans l’interprétation de Hawke et Delpy que ça fonctionne parfaitement.
Étant donné que je ne porte pas les 2 premiers opus aux nues, et que je retrouve dans celui-ci les qualités, mais aussi les nombreux défauts des films précédents, je reste dans le même jugement : c’est joli tout plein, extrêmement bien joué, mais vampirisé par des dialogues beaucoup trop nombreux et d’une grande banalité…
ta critique me donne bien envie de le voir ! Merci et chapeau pour ton site !
Merci Jamie !
C’est surtout vampiré par la trop forte personnalité et la g… g… de Julie Delpy.