CLUB ZERO
Critique du film
Avec Little Joe, son précédent film, l’autrichienne Jessica Hausner proposait sa propre relecture de l’Invasion des profanateurs. L’esthétique froide et apathique du long-métrage avait décontenancé de nombreux spectateurs lors de sa présentation cannoise en 2019. Beaucoup sont restés de marbre face à cet exercice de style jugé creux et poseur. D’autres ont salué la capacité de la réalisatrice à créer une atmosphère anxiogène via l’utilisation d’une grammaire de cinéma aussi sophistiquée. Club Zero a tout pour connaitre une réception tout aussi contrastée, tant le dernier projet d’Hausner pousse à fond tous les curseurs de la satire à tendance auteurisante.
Dans un espace géographique et temporel jamais clairement défini, Club Zero plonge son spectateur au sein d’un lycée d’élite. Un petit groupe d’élèves prend place dans une salle de classe dont la décoration et l’agencement laisse plutôt penser à un cabinet où se réunirait un groupe de parole. Il s’agit du premier cours dispensé par Miss Novak, nouvelle enseignante ‘’spécialisée’’ en nutrition. Après que chaque élève ait exprimé les raisons de son intérêt pour la matière (bien-être, considérations environnementales ou simplement pragmatisme pour augmenter sa moyenne), la leçon peut commencer. Miss Novak vante les bienfaits d’une méthode révolutionnaire dont elle est parait-il pionnière (c’est internet qui le dit) : « l’alimentation consciente ». Un mode de vie qu’elle va petit à petit inculquer aux jeunes adolescents et qui repose sur un contrôle drastique de leur régime alimentaire, visant in fine à assainir le corps et l’esprit. À partir de là, personne ne sera surpris (hormis les personnages) par la tournure dangereuse des événements à venir.
Régime de la peur
L’exécution du programme promis par le prologue de Club Zero ne dévie pas d’un iota pendant les 100 minutes que durent le long-métrage. La dérive d’une idéologie dangereuse qui se présente initialement sous la forme d’une pratique de ‘’développement personnel’’, l’emprise d’une figure d’autorité sur un groupe d’individus, la défiance puis le rejet de la science sont autant de thématiques plus ou moins actuelles qui composent le film. À travers ce qu’elle imagine être une parabole de la société contemporaine, Jessica Hausner cherche à dépeindre les maux qui rongent son époque, notamment le manque d’idéaux d’une jeunesse qui ne trouve plus de causes auxquelles se raccrocher.
Le problème de Club Zero réside principalement dans son ton goguenard. La réalisatrice use et abuse d’un humour à froid particulièrement pénible qui ne cesse de se moquer de l’ensemble des personnages. Dans le cas d’une satire sociale aux accents absurdes – forme complètement revendiquée par le récit et la mise en scène – ce choix pourrait s’avérer tout à fait justifié. Seulement, tous les ressorts comiques utilisés ici sont au service d’une morale un brin réac sur la bêtise de l’Homme du 21ème siècle et le manque de communication entre adultes et enfants. C’est non seulement assez convenu (des œuvres récentes comme Black Mirror se sont largement penchées sur la question avec plus ou moins de succès) mais traité avec énormément de lourdeur par la mise en scène. Celle-ci se montre au mieux démonstrative, au pire écœurante, tant chaque photogramme semble contenir dix couches de symboles.
Malgré un soin toujours aussi méthodique accordée à sa réalisation, Jessica Hausner loupe le coche avec Club Zero. La précision de cadres joliment composés ne parvient pas à masquer une intrigue cousue de fil blanc et un propos déjà en passe de désuétude. Certaines passerelles thématiques avec Little Joe auraient certainement mérité plus de développement comme la question de la nécessité (ou non) d’appartenir à un groupe pour se construire. Un point seulement effleuré ici via le personnage d’un étudiant boursier à qui le scénario réservera un sort qui empêche tout questionnement social à ce sujet. Dans ces conditions, autant se repencher sur le précédent film de la cinéaste.