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DOUNIA ET LA PRINCESSE D’ALEP

Dounia a 6 ans, elle quitte Alep avec quelques graines de nigelle au creux de la main et avec l’aide de la princesse d’Alep, Dounia fait le voyage vers un nouveau monde…

Critique du film

Une nuit de pleine lune, Leila écoute son prétendant (et futur époux) lui réciter des poèmes, confortablement installée au pied d’un arbre et bercée par la douce mélodie des pistaches s’ouvrant au clair de lune. Six mois plus tard, alors que le printemps pare la province d’Alep de ses plus belles couleurs, au coeur de l’agitation des rues où commerçants et artisans s’affairent, vient au monde la petite Dounia, qui dévoile à ses proches sa chevelure héritée de sa mère et sa bouche délicate en forme de pistache.

Ivre de joie, Leila chante son bonheur. Un bonheur de courte durée puisque celle-ci s’éteint bientôt d’une affliction dont on tait le nom. Désormais élevée par son père et ses grands-parents, Dounia grandit au sein de cette belle demeure ornée d’une magnifique cour intérieure et apprend quelques secrets culinaires aux côtés de sa grand-mère. Par une nuit sans lune, cette fois, les autorités syriennes viennent arrêter son père, qu’ils soupçonnent d’être un ennemi du régime. Une mère emportée par la maladie, un père emporté par la répression. « Un long chemin difficile l’attend, mais son avenir sera beau comme ses yeux » promet une amie de ses grands-parents, désormais ses seuls tuteurs.

Un grand-père philosophe, une grand-mère aimante et nourricière, il faut se résoudre à affronter ce dilemme : la difficulté de partir, l’impossibilité de rester. Mais, entourés des siens et malgré la profondeur de ses blessures, Dounia garde un grand coeur, pas comme ces autres qui voient le leur s’assécher. « Un coeur qui a soif devient comme un raisin sec, et ne sait plus ce qui fait du bien et ce qui fait du mal » la réconforte son sage grand-père face à la colère et le désarroi montant dans la ville syrienne. La musique vient alors réchauffer les coeurs meurtris, réveillant le feu de l’âme.

« On ne quitte jamais sa maison, Dounia. Parce que ta maison, c’est le monde entier, et sa porte est juste ici, dans ton cœur »

Racontant avec poésie et lyrisme la douleur de l’exil, Dounia et la Princesse d’Alep est une magnifique ode au conte et à l’art comme échappatoire à la dureté du réel. Née en Syrie, dans une famille chrétienne cosmopolite trilingue qui voyageait énormément, Marya Zarif a eu l’idée d’adapter un projet de mini-série en 6 épisodes, profitant de sa double richesse culturelle  pour transmettre les influences ayant contribué à sa construction en tant que femme et artiste. Au gré des cultures et des langues, d’une mythologie à l’autre, elle s’est découvert un goût pour le conte qu’elle tente de transmettre dans ce film d’animation merveilleusement poignant.

Parce que les yeux du cœur voient tout ce qui est caché, Dounia est convaincue qu’en son âme réside une part de magie permettant de résister aux tragédies et de surmonter les obstacles. Introduisant aux enfants un délicat discours spirituel sans prosélytisme, Dounia et la Princesse d’Alep injecte de la bonté face à l’inconcevable (la mort, la xénophobie, l’asile) et de la magie comme vecteur de résilience à travers ces petites graines de baraké qu’elle transporte avec elle.

La grande et émouvante beauté de Dounia et la Princesse d’Alep réside, au-delà de sa saisissante beauté graphique, dans le récit de cette enfant pleine de vie et de confiance en elle. Entourée de modèles féminins affirmés et d’hommes qui exercent leur résistance comme ils le peuvent, elle est le coeur optimiste de cette terrible histoire contemporaine ayant placé des millions de Syriens et Syriennes sur le chemin de l’exil. Présentée au Festival d’Annecy et à Mon Premier Festival, cette odyssée humaniste a enivré la rétine et le cœur du public, forte de cet onirisme si séduisant puisé dans la musique et la culture syrienne, ravivant encore et toujours cette force d’espérance, précieuse dans le contexte politique actuel.

Bande-annonce

1er février 2023 – De Marya Zarif et André Kadi