GIRL
Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d’absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon.
Corps impatient.
Il est toujours émouvant de découvrir, au hasard d’un premier film, le regard unique d’un jeune réalisateur osant s’emparer d’un sujet délicat pour mieux le façonner à son image et l’amener vers des contrées inédites. Déjà riche en beaux essais – citons Wildlife à la Semaine de la Critique ou Les Chatouilles dans la section Un Certain Regard –, la 71ème édition du Festival de Cannes aura permis l’émergence d’un autre talent brut venu de Belgique : Lukas Dhont, tout juste vingt-sept ans.
Au détour des nombreux synopsis inondant le catalogue officiel, celui de Girl attire immédiatement l’œil par une audace à peine dissimulée et la promesse d’un entrelacement étonnant. Adolescente transgenre, Lara veut devenir ballerine à tout prix mais elle se confronte à un corps étranger qui lui échappe et refuse l’intransigeante discipline de la danse classique. Avec sensibilité et finesse, Lukas Dhont dresse néanmoins frontalement le portrait bouleversant de cette transformation nécessaire, d’une mutation remettant en cause l’existence complète d’un être né dans la mauvaise peau.
Accompagnant admirablement son personnage principal dans cette lente (re)conquête identitaire, le cinéaste s’applique à suivre ce cheminement à la fois pudique et éprouvant. L’écriture de son scénario réserve ainsi quelques trésors de raffinement, tant dans cette incroyable relation parent/enfant que dans le rapport périlleux à un art obéissant au bon vouloir de la chair. Sans pathos, Girl parle d’un père donnant tout son temps et toute son énergie pour offrir à sa fille l’épanouissement qu’elle mérite. Il évoque aussi l’impossibilité de vivre aux prises avec une enveloppe qui ne se plie pas à nos exigences et la difficulté de devenir, au fil des années, notre meilleur allié et non pas notre pire ennemi.
Lukas Dhont suit son héroïne jusqu’au bout, filmant sa douleur physique, son exultation dans la danse avec un empressement qui n’est pas sans rappeler les débuts de Xavier Dolan. Pour autant, il n’élude rien de la peine et des sacrifices endurés par un esprit également soumis à l’âge complexe des premiers émois. Les conflits devraient pourtant pleuvoir mais ils n’arrivent jamais, repoussés en permanence par une bienveillance de tous les instants. Devant sa caméra, le duo Victor Polster/Arieh Worthalter trouve une harmonie miraculeuse pour s’élever à la hauteur d’un metteur en scène d’ores et déjà capable de soutenir et d’accepter ses protagonistes avec une acuité suffisamment rare pour être unanimement saluée.
La fiche