LA PROMESSE D’UN ÉTÉ
Claudia, 16 ans, vit recluse dans une maison sans parents au milieu des bois. Elle s’accommode tant bien que mal de cette existence isolée, jusqu’au jour où Grace, une jeune fille de son âge, s’immisce dans son petit monde. Ensemble, les deux jeunes filles vont vivre un été enchanteur… mais l’implacable réalité du monde extérieur menace de faire voler en éclats leur petit paradis.
Critique du film
Bonbons roses et bleus, lait à la fraise et bracelets de perles épelant “pretty” : La promesse d’un été se savoure comme une sucrerie à laisser fondre sur sa langue, lentement et avec délice. Ancré dans un été australien qui ne semble jamais connaître de jours de pluie, il se repaît avec gourmandise d’une esthétique douce et girly, pleine de vitalité adolescente, celle qui donne le sentiment magique d’être invincible. A mi-chemin entre Pique-nique at Hanging Rock et un clip de Hayley Kiyoko, c’est un film qui, en premier lieu, rend un hommage vibrant de tendresse aux jeunes filles de seize ans et à la bedroom culture, faite de collages glamours sur les murs, de vanity plein de paillettes achetés au drugstore et de rêves d’évasion tard dans la nuit.
A l’abri entre les quatre murs de leur chambre, Claudia et Grace, cheveux longs flottant dans le vent, doigts entrelacés, semblent capables de conquérir le monde. Grace (éblouissante Maiah Stewardson), vêtue de sa jupe rose vaporeuse, pleine de détermination et de créativité, rappelle les héroïnes déterminées de Greta Gerwig, tandis que la timide et traumatisée Claudia (convaincante Markella Kavenagh) renvoie davantage aux personnages fragiles plus troubles de Virgin Suicides.
A grands renforts de magazines, de tenues bigarrées et de couleurs douces, Katie Found laisse ici parler son amour pour les films dits de fille et pour les filles elles-mêmes : loin d’être stigmatisants, les marqueurs culturels de la féminité (le rose, les perles, les sucreries) deviennent au contraire un rempart contre le monde extérieur et permettent aux deux amies de se construire leur propre univers protecteur, où elles vivent exclusivement à deux, entre femmes -car si La promesse d’un été est un film sur l’adolescence, c’est surtout un film lesbien.
En filmant avec pudeur les premiers émois de ses deux héroïnes, la réalisatrice réussit -chose rare !- à capturer à l’écran la tendresse et la sensualité encore maladroites propres aux premières fois -un thème auquel le titre fait bien évidemment écho. Loin de leur quotidien triste et terne, Claudia et Grace réussissent à trouver leur rythme pour s’aventurer au sein de cette histoire d’amour lumineuse. Gorgées de soleil, entourées de fruits qui semblent pousser comme par magie sur les branches de leur verger, elles convoquent des images de félicité paradisiaque que l’on savoure d’autant plus lorsque l’on sait que les personnages lesbiens sont souvent sacrifiés au cinéma.
Tandis que la complicité amicale se transforme en attirance, Katie Found évite les écueils habituels auxquels l’on pourrait s’attendre lorsque l’on parle de sexualité lesbienne : aucune scène de nudité gratuite ne viendra ponctuer le film, et le désir est matérialisé par des regards, des mains qui se touchent et la confiance qui s’établit progressivement entre les personnages. La promesse d’un été se fait ainsi le récit initiatique non pas juste de la sexualité mais bien de l’amour, de l’ouverture à l’autre et de la vulnérabilité qui va avec, à la façon d’un journal intime aux lettres rondes et aux points sur les i en forme de cœur.
Le film ne se résume cependant pas à ce tableau idyllique et estival, et la réalisatrice choisit de déployer son récit sur une trame de fond étonnamment sombre, dont les tenants et les aboutissants sont rapidement révélés et constituent le principal ressort dramatique du récit. Les ombres du trauma, de l’abus parental et du suicide planent ainsi sur la romance de Grace et Claudia ; les adultes, agents d’un monde extérieur plein de malveillance, rodent à la périphérie de l’histoire et du cadre, prêts à mettre en pièce la félicité des héroïnes, et l’on se doute que ce premier amour marche en équilibre sur un fil extrêmement fragile, qui menace de se rompre à tout instant.
La promesse d’un été semble parfois vouloir verser dans le drame social et, un peu à la manière de Le monde de Charlie avant lui, est traversé par des thématiques souterraines bien moins légères que ne laissent présager son affiche feel good et son casting adolescent. Si ce contrepoint particulièrement inquiétant de l’histoire permet de faire ressortir la pureté des liens qui se nouent entre les deux jeunes filles et rappelle que les teen movies peuvent être profonds, eux aussi, on regrette quelque peu la superficialité de son traitement trop allusif.
Ce parti pris volontairement naïf voire simpliste peut cependant aussi être interprété comme une façon pour la réalisatrice de préserver l’innocence de son récit, qui se refuse catégoriquement à adopter un regard réaliste d’adulte et s’assume au contraire comme une parenthèse enchantée où les lois du vrai monde ne s’appliquent pas. La fin du film, qui fait éclater la bulle dorée de Claudia et Grace après 80 minutes de bonheur, semble ainsi venir trop tôt.
On aimerait pouvoir continuer à suivre les héroïnes, les accompagner dans les épreuves à venir et les en protéger ; mais l’intérêt de La promesse d’un été est ailleurs et consiste justement à nous épargner ce brutal rappel à l’ordre. Pour la suite, il faudra attendre le prochain film de Katie Found. On trépigne d’impatience.
De Katie Found, avec Markella Kavenagh, Maiah Stewardson et Steve Mouzakis
Présenté dans le cadre du festival Chéries-Chéris 2021