SCRAP
Beth vient de se faire licencier et a toutes les peines du monde à sauver les apparences, celles d’une femme active de la classe moyenne de Los Angeles. Espérant obtenir un nouvel emploi et changer ainsi sa situation avant que son frère ainé Ben ne s’en aperçoive, Beth doit ravaler sa fierté et renouer avec lui afin de subvenir aux besoins de sa fille Birdy. Ben, de son côté, n’arrive pas à avoir d’enfants avec sa femme Stacy, une avocate très demandée, et le couple s’apprête à entreprendre un troisième processus de fécondation in vitro.
Critique du film
Premiers coups de fil, brossage de dents et toilette sommaire, petit déjeuner de fortune… Cette routine matinale, Beth l’effectue sur la banquette arrière de son véhicule depuis qu’elle a perdu son emploi et son domicile et a été contrainte de confier la garde de sa fille Birdy à son frère aîné Ben, qui ignore encore son statut précaire. Par crainte de perdre la face, Beth ne trouve en effet pas la force de lui confier son désarroi et s’accroche pour remonter la pente.
Mais les coups durs s’enchaînent et elle se voit désormais obligée de lui demander de l’héberger. De son côté Ben, dont la vie semble si bien rangée, traverse également une période compliquée. À force de prendre soin des autres, il ne sait plus vraiment si son projet de vie de famille tient toujours et s’il veut répondre favorablement à sa maison d’édition qui fait le forcing pour de nouveaux opus de sa saga littéraire fantasy. Sa femme, qui ne semble plus tolérer les manquements de Beth, paraît moralement atteinte par le long processus de fertilité qu’ils ont entamé, en venant même à questionner son désir de maternité. Malgré l’agacement croissant de Stacy (qui ne formule pas forcément de demandes déraisonnables) et l’amour vache qui unit Beth et Ben, ce dernier accepte de dépanner celle qu’il a pratiquement élevée après le décès soudain de leurs parents dans un tragique accident d’avion, laissant une fois de plus s’exprimer son instinct protecteur.
Portrait de famille
Au pied du mur, Beth sera-t-elle amenée à accepter l’aide du père de sa fille, qui les a abandonnées à l’annonce de sa grossesse et tente de revenir dans leurs vie ? Ben découvrira-t-il les efforts dissimulés de sa soeur pour remettre sa vie sur pied ? Il y a quelque chose d’attachant à voir ces deux êtres cabossés s’efforcer de ne pas sombrer chacun luttant avec ses propres frustrations existentielles. Un frère et une soeur à la vie symétriquement assortie, l’une devenue parent par accident et l’autre coincé par l’impossibilité de le devenir, illustrée à l’écran par cette ecchymose faciale. Tandis qu’ils découvrent que la maison de leur enfance a été démolie, ils devront se résoudre l’un et l’autre à reconstruire leur vie sur ce terrain en friches.
« Le mot Scrap évoque la lutte contre un dernier défaut dont on n’arrive pas à se débarrasser, en l’occurrence la fierté de Beth. Un « scrap » est le dernier vestige, la toute dernière chose à laquelle il lui faut renoncer pour pouvoir avancer. Beth rêvait d’une autre vie, et maintenant elle dort dans sa voiture et se retrouve sans abri. » Actrice principale de Scrap, Vivian Kerr souhaitait avec sa première réalisation explorer le rapport à la frustration de ne pas obtenir ce que l’on veut dans la vie et du cheminement pour se ressaisir et s’affranchir de ce décalage entre les projets et la réalité afin de prendre ses responsabilités sans s’apitoyer sur son sort.
Autour de son personnage principal frustrant, parfois exaspérant dans son accumulation de défaillances et de mauvaises décisions, Kerr évoque les questions de féminité et de maternité. Cette dernière thématique oppose et réunit dans l’échec ses deux personnages féminins, qu’elles soient mères potentielle ou effective. Joli récit de rédemption et de réconciliation qui invite à trouver ce qui s’avère réellement significatif dans nos propres vies, Scrap demeure un brin scolaire pour complètement décoller et s’affranchir de certains écueils de ce cinéma indépendant gentiment bourgeois.
Bande-annonce
2022 – De et avec Vivian Kerr, et Anthony Rapp, Lana Parrilla