SCREAM 5
Vingt-cinq ans après que la paisible ville de Woodsboro a été frappée par une série de meurtres violents, un nouveau tueur revêt le masque de Ghostface et prend pour cible un groupe d’adolescents. Il est déterminé à faire ressurgir les sombres secrets du passé.
Critique du film
On n’y croyait plus et pourtant le voilà ! Après des années de pourparlers internes à Hollywood, le cinquième opus de la saga Scream arrive enfin sur nos écrans. Vingt-cinq ans après la sortie du cultissime premier épisode et dix ans après Scream 4, le nouveau film de la franchise faisait face à défi de taille : réussir à respecter le projet ébauché dès 2009 par Wes Craven, le réalisateur original, décédé en 2015, sans dénaturer l’esprit de la série -un faux pas que les fans ne pourraient jamais pardonner. Tandis que la presse confirmait le retour de Ghostface, ces derniers se sont affolés : une suite sans Craven, qui avait assuré la réalisation de tous les films de la saga jusque-là, y compris le sequel tardif sorti en 2011, n’était-ce pas trop ambitieux ? Le nouvel épisode ne risquait-il pas de piétiner l’héritage d’une franchise qui, jusqu’à présent, s’en était honorablement bien tirée ?
Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillet, les deux réalisateurs retenus pour mener à bien le projet et à qui l’on doit notamment le remarqué Wedding Nightmare, l’ont bien compris et n’ont pas chômé : Scream est tout sauf le terrain d’expérimentations hasardeuses destinées à générer du profit. Surfant sur ce qui a fait le succès de la saga au fil des années, il embrasse ouvertement l’aspect méta-horrifique des premiers films, en actualisant un discours déjà bien rodé, notamment lors de la traditionnelle scène d’ouverture, ici plus savoureuse que jamais : adieu les références aux slashers des années 70 et 80, bonjour les commentaires sur l’elevated horror, Halloween version 2018 et Jordan Peele !
La présence du casting original (c’est à dire ceux dont les personnages n’ont pas été assassinés : David Arquette, Courtney Cox et, bien sûr, Neve Campbell) soigneusement réuni pour l’occasion, permet à Scream d’agencer des coups de théâtres bien sentis et de jouer avec les émotions du spectateur.trice ; le casting de personnalités phares de la pop culture adolescente pour les rôles secondaires, comme Jenna Ortega (The Babysitter, The Fallout) ou Dylan Minette (13 reasons why), qui succèdent à Emma Roberts et Hayden Panetiere, réaffirme quant à lui la capacité de la série à être en prise avec l’actualité cinématographique et les goûts de sa jeune audience.
Malgré ses deux heures bien tassées, le film réussit à doser humour, action et discours cinématographique de façon à ne pas laisser le spectateur reprendre son souffle, tout en repoussant les limites du gore jusque là atteintes par la franchise : le temps du faux sang façon ketchup est révolu, et afin de prendre aux tripes le spectateur.trice contemporain.e quotidiennement bombardé de contenus ultra-violents, Matt Bettinell-Olpin et Tyler Gillet ne lésinent pas sur les mises à mort douloureuses. Bref, que les aficionado.a.s se rassurent : ce nouvel épisode réussit haut la main à actualiser la recette magique de Wes Craven sans trahir ce dernier.
C’est peut être cette volonté de bien faire, finalement, qui finit par faire du tort à Scream : tout à son désir de ne pas froisser les fans, le film se perd dans un hommage au premier épisode qui n’en finit pas. Car malgré la sobriété de son titre, où ne figure pas le numéro 5, Scream n’est ni un remake, ni un reboot, mais bien un requel, comme l’explique avec humour l’un des personnages principaux durant le film : une oeuvre qui revisite le postulat de départ d’un film précédent, sans offrir de continuité linéaire et sans non plus se contenter d’être une suite. La tête vous tourne déjà ? C’est normal.
A tort ou à raison, Scream assume joyeusement cette position un peu hybride, qu’il auto-définit comme le fait de tisser des liens entre passé et présent, et exploite à fond le thème de la filiation, au sens propre comme au sens littéral : tous les nouveaux personnages ont un lien avec les protagonistes originaux du premier Scream. Le procédé alourdit le scénario et diminue sa lisibilité, là où Scream 4 exploitait habilement les thèmes familiaux et la notion de nouvelle génération ; il met en avant de nouveaux héros peu intéressants, qui grignotent le temps d’écran sans réussir à acquérir une vraie profondeur psychologique, tout en éclipsant le retour de Sydney, Dewey et Gale, dont l’arc narratif est quelque peu expédié.
L’absence du scénariste originel, Kevin Williamson, qui avait écrit Scream 4 mais que l’on retrouve ici en tant que producteur délégué, se fait par moments cruellement ressentir. En voulant à tout prix ne pas se contenter de nous servir du réchauffé, le cinquième volet pousse la blague un peu trop loin et sacrifie la crédibilité au profit du plaisir d’initié. Les fans de la première heure pardonneront tout (ou presque) et se délecteront des ponts entre les différents films, de l’hommage au genre horrifique et des punchlines bien senties ; les autres, cependant, risquent de se heurter à un film à clé plus opaque qu’il n’en a l’air, et de ne pas comprendre les trois quarts de l’intrigue. On espère que la franchise s’en tiendra à ce dernier épisode, qui reste malgré tout très respectable, et ne poussera pas le vice jusqu’à nous proposer un sixième volet porté par les nouveaux personnages introduits ici, qui ne parviennent pas à s’imposer malgré toute leur bonne volonté. Sidney, Gale et Dewey, quant à eux, semblent bel et bien avoir tiré leur révérence.
Bande-annonce
12 janvier 2022 – De Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, avec Neve Campbell, Courtney Cox et David Arquette.