1:54
À 16 ans, Tim est un jeune homme timide, brillant, et doté d’un talent sportif naturel. Mais la pression qu’il subit le poussera jusque dans ses derniers retranchements, là où les limites humaines atteignent le point de non-retour.
À bout de course.
Le harcèlement scolaire n’est pas un fait nouveau mais, exacerbé par les réseaux sociaux, il est désormais (enfin) au cœur des préoccupations de l’éducation nationale. Pour autant, le thème reste très rarement abordé frontalement au cinéma, qui aime plus à mettre en avant des ados « populaires », ou n’aborde le sujet que secondairement et souvent pour voir les souffre-douleurs sortir de leur mauvaise condition grâce au deus ex machina du septième art. Pour son premier long-métrage, le québécois Yan England fait donc preuve d’audace en s’attaquant à ce sujet délicat.
Disons-le tout de suite, le jeune réalisateur avait peut-être les épaules encore un peu frêles pour porter un tel projet mais n’en livre pas moins un drame à charge assez subtil pour convaincre et éveiller les consciences. Si 1:54 pèche un peu à vouloir traiter de son sujet en long, en large et en travers, il ne sombre à aucun moment dans la surenchère émotionnelle et sait impeccablement adopter le point de vue de cet adolescent violenté par ses camarades, dont la souffrance est palpable sans jamais sombrer dans le pathos. Si 1:54 se veut d’une facture classique, parfaitement assumée pour parler au plus grand nombre, il en déjoue plusieurs fois les pièges, ne cédant jamais vraiment à la facilité et instillant même par moment une dynamique de thriller, qui se substitue à la tension et la peur permanentes qui habitent le héros. Il n’y a que sur la fin que Yan England se perd un peu trop, comme si, dépassé par son sujet, il ne savait plus vraiment quelle échappatoire trouver à son héros, mais à l’image finalement d’un problème qui n’a à ce jour pas trouvé de réponse satisfaisante.
Si Yan England doit encore apprendre à détacher son cinéma d’une volonté trop didactique, il n’en demeure pas moins que le réalisateur maitrise l’art d’un cinéma faisant la part belle aux comédiens. En tête Antoine Olivier Pilon, qui trouve ici une sorte de prolongation au rôle qu’il tenait dans le clip « College Boy » d’Indochine (pour le coup un véritable uppercut sur le sujet, signé Xavier Dolan). La révélation de Mommy confirme son talent naissant, portant entièrement le film sur ses épaules grâce à sa prestation tout en nuances, emportant le spectateur dans ses détresse, sa détermination, sa rage, sa fragilité et son désarroi. Il est épaulé par la jeune Sophie Nélisse, interprétant une amie bienveillante, que l’on suit également de près depuis Monsieur Lazhar et Mean Dreams.
Non dénué de défauts, 1:54 est un premier film largement honorable, porté par sa volonté de sortir de l’ombre un sujet trop souvent minimisé et par sa pudeur émotionnelle, qui doit autant à son réalisateur qu’à l’excellence de ses jeunes comédiens.
La fiche
1:54′
Réalisé par Yan England
Avec Antoine-Olivier Pilon, Sophie Nélisse, Lou-Pascal Tremblay…
Canada – Drame
Sortie : 15 mars 2017
Durée : 106 min