99 HOMES
L’impitoyable Rick Carver a fait fortune dans la saisie de biens immobiliers. Son métier consiste à expulser de chez eux ceux qui ne peuvent plus rembourser leur crédit pour l’achat de leur maison. Dennis Nash et sa famille lui feront face, en vain. Dans l’espoir de récupérer sa maison, Nash accepte de travailler pour Carver…
Défaite à la maison.
C’est une première depuis la création du Festival de Deauville en 1995 : le film récompensé par le Grand prix du jury, la récompense suprême sur les planches normandes, ne sortira pas dans les salles françaises. En effet, 99 Homes devra se contenter du circuit e-cinema le mois prochain. D’un point de vue marketing, le label deauvillois peut-être un atout pour amener vers le e-cinema un public français qui, jusqu’ici, ne prête guère attention à ce mode de consommation des films. Mais on peut regretter que le sixième long-métrage de Ramin Bahrani, qui a su chambouler les spectateurs et le jury présidé par Benoît Jacquot, n’ait pas droit à une visibilité plus importante, sur grand écran.
99 Homes est pourtant loin de manquer d’atouts : sujet fort, sens de la dramaturgie, casting convaincant (Andrew Garfield, Michael Shannon, Laura Dern)… Une conjonction d’éléments qui mériterait bien quelques copies dans les salles obscures. Le film traite l’un des stigmates de la crise de 2008 : les milliers d’Américains expulsés de chez eux parce qu’ils n’ont plus les moyens de rembourser leurs emprunts et sur le dos desquels des hommes d’affaires cyniques alimentent leur business. Dans 99 Homes, le rôle de salaud échoit d’abord à Michael Shannon, impeccable en requin de l’immobilier au coeur froid, qui regarde, sans ciller mais en tirant de grandes bouffées sur son e-cigarette, les familles faire leurs cartons avant de se retrouver à la rue.
Celui qui surprend le plus est Andrew Garfield qui, dans le rôle d’un père célibataire mis à la porte de la maison qu’il occupe avec sa mère et son fils, livre une composition à fleur de peau. Il incarne un Dennis Nash peinant à contenir les émotions violentes qui l’agitent intérieurement et suscite d’emblée l’empathie du spectateur. Une sympathie qui vacille mais ne se rompt jamais vraiment lorsque son personnage, passe « dans l’autre camp » et se retrouve employé par celui qui a causé son malheur. 99 Homes évite le piège du manichéisme et se concentre sur les tiraillements entre l’éthique, la morale, l’intérêt personnel et l’appât du gain. Plutôt que de signer un film à charge qui désignerait à la vindicte un salopard tout trouvé, Ramin Bahrani se fixe sur l’humain et ne dénie à aucun des protagonistes une part d’humanité, même infime. C’est sans nul doute pour cela que le film vise juste et marque les esprits. Et aussi parce qu’il démontre qu’à la crise économique, s’ajoute une crise morale qu’aucun dollar ne peut guérir.
La fiche
99 HOMES
Réalisé par Ramin Bahrani
Avec Andrew Garfield, Michael Shannon, Laura Dern…
Etats-Unis – Drame, Thriller
Sortie e-cinema : 18 Mars 2016
Durée : 128 min