LE COIN DU GEEK | Deadpool
Chaque mois, notre rédacteur Tom Left reviendra sur l’événement cinématographique majeur de la culture geek. Chronique de film, bande-annonce, dossiers… Pour ce deuxième rendez-vous, votre ami geek se penche sur le phénomène Deadpool.
Un grand pouvoir implique de grandes irresponsabilités
Il est difficile depuis quelques mois, voire plus d’un an, de passer à côté du phénomène Deadpool. Omniprésent sur la toile, dans le métro, les panneaux d’affichage, l’anti-super-héros attire l’attention avec irrévérence. Pourtant, si l’on revient deux ou trois ans en arrière, peu de monde le connaissait vraiment.
Personnage secondaire de l’industrie Marvel, Deadpool ne jouissait pas de la même aura que ses compères les X-Men ou Spiderman. Du fait de sa violence verbale et graphique, le comics n’a jamais véritablement eu son heure de gloire, ne touchant pas suffisamment le « tout public ». Depuis le trailer test lancé sur le net durant l’été 2014, le personnage est devenu l’un des fers de lance des fans de films de super héros. Les conventions et autres rassemblements geek se sont vus envahis par un nombre impressionnant de « kikou lol » en cosplay rouge et noir, l’utilisant comme prétexte pour faire tout et n’importe quoi au nom de l’anti-héros qu’ils incarnent.
Tu crois que ça me fait quoi d’avoir depuis toujours une gueule à la Ryan Reynolds en charpies bordel ?
Désormais, le monde entier connaît ce sale gosse irrévérencieux et adore se prétendre fan du personnage depuis « genre trop longtemps »… Mais nous sommes en droit d’en douter. Si certains risquent de taxer mes propos de « rageux », il est important de les prévenir que l’argument qui suit est imparable. Où se trouvait la rage de ces fans de longue date quand la FOX nous a doublement déçu avec Wolverine Origins ? Lequel de ces fans s’est senti trahi à la vue de cette horreur ?
Oui, Ryan Reynolds n’en est pas à sa première incarnation du personnage. Grand fan de celui-ci depuis des lustres (pour de vrai hein !), il porte, depuis cette daube, le projet sur ses épaules (avec le réalisateur Tim Miller). Cet amour pour Deadpool n’est pas dû au hasard. Il partage son humour et également son physique (avant de devenir une mocheté sans pareille bien sûr). Deadpool parle de lui en se comparant en Ryan Reynolds, il était donc évident que Ryan Reynolds parle de lui à travers Deadpool !
Après un interminable lobbying auprès de la FOX, Reynolds et Miller ont enfin eu gain de cause. Un film Deadpool, rated R, est dans la boite. Toute la fan-base est en ébullition et clame haut et fort que ça va être un film original et novateur ! Un truc jamais vu avec un héros unique ! Briser le 4e mur avec de la bonne violence est-il une révolution dans les adaptations ?
Le « quatrième mur », terme inventé par Denis Diderot, un philosophe, critique d’art, et écrivain français, désigne la frontière entre la fiction produite sur scène et le public. Briser ce quatrième mur est devenu un effet narratif de plus en plus utilisé, dans de nombreuses BD/mangas (Garfield, Gintama, Beelzebub), séries (House of Cards, House of Lies, Malcolm) et même sur grand écran (on pensera notamment à Fight Club, Pierrot le Fou, Annie Hall, Les Affranchis ou encore Lord of War). Si aucun de ces films n’est une adaptation de comics, avouons sans mal que ce procédé n’est en rien novateur.
Bon, j’ai envie de dire, un p’tit meurtre ? Ça s’refuse pas, c’est comme les glaces à la fraise !
En ce qui concerne la violence fun et décomplexée, Deadpool débarque après d’illustres prédécesseurs. Outre les Tarantino ou Rodriguez movies, plusieurs exemples nous viennent naturellement en tête. Zack Snyder nous a notamment offert deux beaux exemples d’adaptations sanguinaires avec 300 et Watchmen – deux modèles que Gavin Hood et James Wong auraient été bien avisés de suivre.
En l’espace de deux films, Matthew Vaughn a lui aussi réussi un sans-fautes en adaptant les comics Kick Ass et Kingsman. dont humour et violence sont la marque de fabrique. Hit Girl n’avait-elle pas déjà ouvert la voie à Deadpool, avec son franc parler et son humour quelque peu irrévérencieux ?
C’est une histoire d’amour.
La critique du filmDeadpool tient ses promesses. Certes pas dénué de défauts, le film reste extrêmement fidèle à l’esprit du personnage. Un long métrage fait par des fans pour des « fans » ! Ryan Reynolds porte le costume comme une seconde peau, complètement à son aise sous les traits du sale gosse qui aime autant les sabres que les jurons. Grâce au découpage non linéaire et à la réalisation, la construction narrative ne souffre d’aucun temps mort et conserve un rythme aussi soutenu que les tirades de son héros. Si les personnages secondaires ne servent que peu l’histoire, ils interagissent avec Deadpool et lui permettent de ne pas trop en faire. Malgré quelques effets spéciaux datés, le film propose une esthétique qui rappelle certains romans graphiques. |