THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW
Une nuit d’orage, la voiture de Janet et Brad, un couple coincé qui vient de se fiancer, tombe en panne. Obligés de se réfugier dans un mystérieux château, ils vont faire la rencontre de ses occupants pour le moins bizarres, qui se livrent à de bien étranges expériences.
Délicieuse décadence.
Une semaine et puis s’en va … Telle pourrait être la tagline réservée à bon nombre de films précocement condamnés à disparaître des écrans face à une concurrence trop forte et à des résultats insuffisants. Catastrophe industrielle devenue phénomène mondial, The Rocky Horror Picture Show aurait dû subir un sort identique en se retrouvant relégué aux oubliettes des flops cuisants du box-office. Pourtant, aidé par la ferveur inconditionnelle de nombreux spectateurs, le long-métrage de Jim Sharman souffle aujourd’hui ses quarante bougies, quarante années d’existence mais aussi d’exploitation pour une exception désormais entrée dans la légende.
À l’aune d’un système contemporain saturé par un embouteillage de sorties hebdomadaires, la longévité du Rocky Horror Picture Show fait figure de faille inattendue dans une mécanique tristement huilée. Adaptation d’une comédie musicale créée par Richard O’Brien (également interprète du personnage de Riff Raff), le film est, tout d’abord, considéré comme un désastre lors de sa sortie en salle. Les critiques, peu enclins à supporter une intrigue « faiblarde » et des allusions sexuelles trop envahissantes, abandonnent les projections précipitamment avant de décrier longuement ses défauts dans des articles assassins.
Échec retentissant, The Rocky Horror Picture Show finit par connaître une seconde vie – comme El Topo (Alejandro Jodorowsky) et Pink Flamingos (John Waters) avant lui – durant sa redistribution à New-York en séances de minuit. Petit à petit, une certaine frange du public commence à apprendre le film par cœur et à dialoguer directement avec lui. Une blague lancée, puis une autre et c’est tout un cérémonial, une communauté qui s’instaure discrètement mais sûrement.
Diffusé au Studio Galande dès 1980, le film ne quittera jamais l’affiche et deviendra surtout l’une des attractions touristiques les plus prisées de la capitale. Prévoyant, le public se rend à ces shows interactifs avec une liste d’accessoires fournie au préalable : riz à lancer lors des mariages, eau à déverser (sur son voisin) durant l’orage ou encore rouleaux de papier toilette pour l’entrée d’un personnage-phare. Comme le résume très justement la troupe d’impeccables bénévoles chargée de rejouer le film sous nos yeux (les excellents The Deadly Stings, pour ne pas les citer), « tout ce qui se passe à l’écran se passe dans la salle ! ».
Pensées et exécutées afin que les spectateurs y trouvent ce qu’ils sont venus chercher, les soirées du Rocky ont l’allure d’orgies cinématographiques où l’explosion des normes se couple à la sensation d’avoir vécu une projection unique en son genre. Un état d’esprit conforme aux « valeurs » véhiculées par le film, curieusement avant-gardiste pour le délicat contexte social de l’époque.
Il serait alors présomptueux de prétendre capter l’essentiel du film en quelques lignes (une thèse n’y suffirait peut-être pas …), toujours est-il que The Rocky Horror Picture Show demeure bien plus qu’une simple parodie de nanars. Porté par la performance détonnante de Tim Curry et une irrésistible bande originale glam-rock, il s’est principalement imposé comme l’un des objets les plus kitschs et fous jamais réalisé, capable de citer, en clins d’œil, d’illustres références (de Frankenstein à Dracula en passant par King Kong et La Nuit du Chasseur) tout en puisant sa force dans ses improbables défauts (effets spéciaux épouvantables, faux-raccords en cascade …).
Aujourd’hui encore, il est impossible de réduire The Rocky Horror Picture Show à un genre, à une thématique, à une chanson. Dans son inédite soif de transgression, le film a su conserver, au fil des années, sa protéiformité et sa modernité au cœur d’un instinct libertaire immolant la morale et la bienséance avec délice.
La fiche
THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW
Réalisé par Jim Sharman
Avec Gael Tim Curry, Susan Sarandon, Barry Bostwick…
Etats-Unis – Comédie musicale
Sortie / Ressortie : 14 Avril 1976 / 13 Avril 2016
Durée : 94 min