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THE LOOK OF SILENCE

6
Louable

Adi Rukun est ophtalmo itinérant. Au gré de ses visites, il enquête sur les circonstances de la mort de son frère aîné, accusé de « communisme » et assassiné pendant les grands massacres de 1965 et 1966 en Indonésie. La caméra de Joshua Oppenheimer accompagne Adi dans sa confrontation avec les assassins. Patiemment, obstinément, malgré les menaces, ils s’emploient ensemble à vaincre le tabou du silence et de la pe 

La mémoire taboue.

Depuis 2004, Joshua Oppenheimer travaille en Indonésie sur un sujet méconnu et pourtant terrible : une purge advenue en septembre 1965 contre les mouvements communistes indonésiens qui débouchera sur la mort de centaines de milliers de personnes, le plus souvent dénoncées alors qu’ils n’ont aucun lien avec le communisme, et qui reste aujourd’hui toujours très sensible dans ce pays insulaire. En 2012, le Texan avait délivré son premier film sur ce génocide, The Act of Killing qui mettait en scène les bourreaux en train de mimer les exécutions qu’ils avaient commises quarante ans plus tôt. Trois ans plus tard, Oppenheimer remet le couvert avec The Look of Silence, toujours sur ces massacres mais avec un point de vue différent, car le film se place du côté du frère d’une victime (dont le nom n’est pas dévoilé) qui cherche à savoir pourquoi et comment ce frère qu’il n’a jamais connu est mort.

The Look of Silence ne laisse pas insensible. La mise en scène d’Oppenheimer met le spectateur directement face à la violence humaine et à la douleur de cet homme avec deux types de séquences : tout d’abord en regardant ce frère qui visionne des extraits de The Act of Killing et les commente – des séquences dures à regarder évidemment ; puis en organisant des rencontres informelles entre cet homme et des anciens bourreaux – dont son oncle. Les autorités indonésiennes voyant d’un mauvais œil tout travail sur cette période sombre de l’histoire du pays, Oppenheimer a dû filmer clandestinement son film ce qui l’a forcément limité dans ses projets. Ce qui n’empêche pas The Look of Silence de ne jamais ennuyer, le sujet parvenant toujours à susciter l’intérêt, tout comme la quête de réponses de notre homme.

Néanmoins, ce film a des limites – deux pour être précis. Regarder durant vingt-cinq minutes des extraits d’un autre film lasse à terme et empiète sur la parole de l’homme que filme Oppenheimer. Certes, scruter sa réaction peut être intéressant, mais il y a beaucoup de trop de longueurs ici, alors qu’entendre une victime de ce massacre – même indirecte – aurait pu être très intéressant. On sent que cet événement l’a marqué au fer rouge alors même qu’il ne l’a pas connu, que la perte de son frère lui est insupportable, que la propagande du gouvernement sur ces massacres l’irrite, mais Oppenheimer ne lui laisse pas assez la parole, préférant montrer son ancien film et privilégiant l’émotion à la réflexion. Le second bémol concernerait la caméra intrusive du Texan. Ce problème se ressent notamment lors des discussions avec les bourreaux, qui sont terribles, forcément, et qui mettent mal à l’aise. On sent que la caméra d’Oppenheimer scrute les visages des intervenants et des familles des bourreaux pour capter l’émotion, et cela nuit à ce qui est dit. Elle est un personnage à part entière et une fois qu’on en prend conscience, on a du mal à se défaire de la sensation de regarder une œuvre qui n’existe pas pour expliquer ce qui s’est passé ou pour laisser cet homme parler, mais pour mettre en scène une victime face à des salauds, et provoquer ainsi l’émotion chez le spectateur forcément touché et révolté par ces duels filmés comme dans un western. Sauf que le spectateur a plus l’impression d’être un voyeur qu’autre chose.

Cette impression désagréable de mise en scène se ressent par la présence d’Oppenheimer (que l’on sent, comme sa caméra). Il organise les rencontres, trompe d’ailleurs les bourreaux sur l’identité de celui qui les voit – les rencontres sont officiellement des examens ophtalmologiques – et reste lors des discussions. Certes le réalisateur n’a pas le choix, il ne peut compter que sur une équipe réduite et doit faire avec des conditions compliquées, et certaines séquences sont très fortes – comme cette fille qui découvre les exactions commises à l’époque – mais globalement le film patine. Comme les bourreaux sont peu enclins à reconnaitre leurs erreurs passées et préfèrent se murer dans le silence ou prendre à témoin Oppenheimer pour crier qu’ils n’ont confiance qu’en lui pour parler des massacres qu’ils ont commis, ces duels restent sans réponse pour ce frère qui cherche la vérité et nous laissent frustrés alors que ces discussions auraient dû être des moments très forts.

La fiche

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THE LOOK OF SILENCE
Réalisé par Joshua Oppenheimer
Indonésie, Danemark, Finlande – Documentaire
Sortie : 30 Septembre 2015
Durée : 103 min




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