MOONLIGHT | L’hymne LGBT des ghettos de Miami
De l’autre côté de l’Atlantique, la presse est unanime. Vanity Fair, TimeOut, Vice, Rolling Stone et le New York Times ne tarissent pas d’éloges sur Moonlight, de Barry Jenkins. Même The Guardian y est allé de sa petite hagiographie, présentant « un film profondément émouvant ». Mis à part quelques murmures éparpillés ça et là, pourquoi donc un tel silence de la part des médias français pour un hymne social et LGBT sélectionné dans les plus grands festivals, du TIFF au BFI en passant par le New York Film Festival ?
Triptyque floridien
Puisque Moonlight n’est visiblement pas (pour l’heure) au programme de la communication ciné hexagonale, définissons-en au moins les grandes lignes. Esthétiquement rangé du côté des films indépendants états-uniens, Moonlight plonge dans le quotidien de Chiron, jeune Afro-Américain violenté pour la recherche de sa sexualité dans un quartier violent de Miami. Pour rythmer le film et faire naître la réflexion à propos des sentiments de son protagoniste, Barry Jenkins tranche son propos en trois temporalités différentes – l’enfance, l’adolescence puis l’âge adulte de celui qu’on surnomme « Black ».
Chiron est donc interprété par trois acteurs différents. Dans l’ordre, Alex Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes, jeune acteur plébiscité au moins autant que le film lui même, à l’affiche de la série Westworld et de l’attendu mais encore discret Weightless. A ses côtés, pour donner de l’unité à son film, Barry Jenkins a choisi l’actrice anglaise Naomie Harris (La Rage Au Ventre, Spectre) dans le rôle de Paula, mère de Chiron, toxicomane et dangereusement proche de la mère du cinéaste lui-même. Le rôle lui a valu une victoire d’interprétation aux Hollywood Film Awards.
Empathie active, distribution passive
Moonlight constitue le second long-métrage pour Barry Jenkins après un discret mais bien accueilli Medecine For Melancholy. Le réalisateur de bientôt 40 ans, ayant lui-même grandi à Miami dans un quartier semblable à celui de son protagoniste, retrouve sa terre natale. Son oeuvre n’est toutefois pas autobiographique, quand bien même elle cristallise quelques unes de ses expériences de vie. Comme il l’a confié à Vice :
Je suis hétérosexuel, avec des capacités d’empathie et de compassion. Pour autant, cette empathie reste passive tant qu’on ne crée pas quelque chose qui fait face à ces problèmes, ou qu’on trouve des solutions face aux maltraitances que subissent certaines personnes, pour la simple raison qu’elles sont ce qu’elles sont.
L’essence du drame et de la tragédie, Jenkins est allé la chercher du côté du dramaturge Tarell Alvin McCraney, lui aussi floridien. Le film est une libre adaptation de sa pièce In Moonlight Black Boys Look Blue. Moonlight est entré en catimini dans les prestigieux festivals qui l’ont accueilli. Pourtant, la force du bouche-à-oreille et les frissons qui ont progressivement parcouru les différentes salles et publics de Toronto, New York et Londres ont suffi pour attirer la curiosité des médias étrangers, qui ont rapidement porté le drame à l’attention du public.
Indépendant, le film l’est indéniablement par son angle et sa direction. Il bénéficie toutefois de deux petits coups de pouce de production. Plan B, la société de Brad Pitt, s’est lancée dans l’aventure autant que la foisonnante A24, au line-up souvent alléchant – The Rover et Son of a Gun en 2014, Room en 2015, The Lobster, Equals et American Honey en 2016… Heureusement, Moonlight ne se destine pas qu’au marché e-cinéma et bénéficiera d’une sortie en salle grâce à Mars Distribution le 1er Février 2017. Porté par une musique soul intemporelle et fort d’un propos juste et engagé, voilà l’occasion d’une belle oeuvre, ainsi que d’une ferme prise de position.
MOONLIGHT de Barry Jenkins, qui a fait un démarrage fracassant ce week-end aux US, sortira en Fr début 2017 pic.twitter.com/IRn8KNf2H8
— Mars Films (@MarsFilms) 24 octobre 2016