DOCTOR STRANGE
Au sein du Marvel Universe, le docteur Stephen Strange est réputé dans le monde entier en tant que spécialiste de la neurochirurgie. Doté d’un ego surdimensionné, il va pourtant tout perdre après un accident de voiture qui le prive d’une grande partie de ses facultés manuelles. Cherchant à tout prix sa rémission, il croise la route d’une étrange figure, l’Ancien, et s’ouvre malgré lui à un monde magique dont il ne soupçonnait pas l’existence.
Rien de neuf, docteur.
Annoncer Doctor Strange comme un film attendu avec passion et frissons, c’est tomber avec naïveté dans le jeu du marketing de Marvel et de Disney. Prétendre voir débouler ce nouveau blockbuster avec dédain et distance, c’est jouer la carte de la mauvaise foi, doublée d’un sens du pisse-froid peu engageant. Par définition, il ne peut y avoir de révolution dans un blockbuster. Ce qu’on attend, avec des films de la catégorie de Doctor Strange, c’est au moins un certain sens du contre-pied, avec pourquoi pas à la clef la naissance d’un sous-genre un peu moins universel que sa racine d’exploitation. À la manière de Rogue One : A Star Wars Story, vendu à mi-chemin entre l’argumentation d’une grande aventure à destination du grand public et quelques noms ronflants pour attirer le cinéphile, Doctor Strange possède dans sa besace quelques arguments de poids. De quoi espérer que la base Marvel, dont on connaît les ressorts sur le bout des doigts par son premier degré sans faille et pour en bouffer à toutes les sauces 4 fois par an, soit un peu relevée d’un piment surprenant ou d’un levain exotique.
En saveur principale, Benedict Cumberbatch (The Imitation Game), neurochirurgien rebelle mais grand coeur – coucou Docteur House -, imbus de lui-même, prompt à l’élitisme mais dont le raisonnement est irréprochable – coucou, Sherlock. En guise de Watson, Christine Palmer (Rachel McAdams), collègue et amante, rapidement distanciée par l’ego puis par la spirale auto-destructrice de Strange après un accident de voiture qui lui sera fatal pour sa carrière. En bonne amorce de super-héros, Doctor Strange prend son temps dans son exposition, ne verse pas immédiatement dans l’action – pas directement, du moins. L’occasion potentielle d’un renouvellement, d’un changement de ton, d’une profondeur. En chef-cuistot et réalisateur, Scott Derrickson a de quoi éviter la recette toute faite des films du studio. Des constructions de personnages sur le temps long, mêlant angoisse et empathie, il en a au moins un exemple réussi dans sa besace avec Sinister. Sauf que Marvel a préféré la grandiloquence vaine du bourrin Le Jour où la Terre s’arrêta. Les ennuis commencent.
L’illusion du Marvel nouveau
Doctor Strange devient alors symptomatique de l’incapacité totale des Marvel à créer une profondeur honnête de leur univers, réduisant encore et toujours les réflexions morales et les dilemmes éthiques à une relation amoureuse conflictuelle et surtout bidon, ou dans la proportion opposée à une énième destruction totale du monde. Le premier élément, sans rythme et relégué à un vulgaire fusil de Tchekhov, se prive de toute espèce d’empathie. Le second est dès le départ voué à l’échec, puisqu’on annonce 20 films et 8 arcs (on exagère un brin) pour les 5 prochaines années à venir. Il est encore tôt dans le film, mais le mal est fait. La raison vient, déjà, de tuer l’espoir.
Puisqu’on a abandonné le fond, attachons nous à la forme. Avec des noms comme Benedict Cumberbatch, Tilda Swinton, Chiwetel Ejiofor ou encore Mads Mikkelsen, le glaçage attire l’œil. Au centre de l’attention, Strange a beau gesticuler et bouffer chaque plan du long-métrage, sa superficialité n’en est que plus désarmante. La tête brûlée désormais déprimée part à Katmandou, au Népal, apprendre la magie des paroles de l’Ancien – interprétée par Tilda Swinton, étonnamment fade. De la neige, de la solitude, de la douleur, de l’apprentissage et un soupçon de leçons asiatiques : la mixture, sur le papier, rappelle celle de Batman Begins. Sauf que contrairement au film de Nolan, il faut absolument que Strange devienne maître d’un ordre de sorcellerie séculaire et sauve l’univers en moins de deux heures. Mission impossible côté montage, où l’on s’emmêle les pinceaux au rythme d’une marche infernale. Du fardeau de devoir recoller au plus vite à reste de la mythologie.
Pas fumeux, pas fumant non plus
Résultat, on ne retient aucun plan, aucune image choc d’une soupe d’action qui a le même goût que toutes les autres, malgré un emballage qui pourrait laisser penser le contraire. Opération zéro prise de risque, encore et toujours. Pourtant, même si on dresse un portrait grisonnant de Doctor Strange, on a subi pire côté grosse sortie de super-héros. Les quelques séquences d’effets numériques touchent leur cible et bombardent le spectateur de grandes volées visuelles. Le budget alloué est au moins utilisé à bon escient. Si seulement ces scènes (et toutes les autres, d’ailleurs) n’étaient pas entrecoupées, à intervalles réguliers, de ces inévitables bouffonneries cyniques promptes à insuffler une dose de “coolitude” à tout et n’importe quoi – ou n’importe qui. Des punchlines même pas drôles ni inventives qui empêchent à Mads Mikkelsen, par exemple, d’assumer pleinement son rôle d’antagoniste et de le réduire à un rigolo soi-disant meurtri. Même constat pour Ejiofor en sidekick fragile. Par extension, toute tentative d’approfondissement de ces personnages devient automatiquement ajournée.
Dindon d’une farce qu’il semble heureux de perpétrer lui même, Doctor Strange s’égosille dans un joyeux paradoxe à parler de multivers, de projections astrales et d’ouverture d’esprit tout en adoptant la traditionnelle attitude solipsiste propre à l’univers de Marvel. Si la science que l’on ne comprend pas peut être assimilée à de la magie, le spectateur voit rapidement clair dans les équations simplistes qui régissent Doctor Strange. Il n’y a aucun plaisir à voir le numéro de la femme coupée en deux quand on sait pertinemment qu’elle est contorsionniste. Ce sorcier-là nous joue des tours d’enfants dont on connaît déjà les secrets.
La fiche
DOCTOR STRANGE
Réalisé par Scott Derrickson
Avec Benedict Cumberbatch, Tilda Swinton, Mads Mikkelsen…
Etats-Unis – Blockbuster, Super-héros, SF
Sortie en salle : 26 Octobre 2016
Durée : 115 min
Pas fumeux, pas fumant… pas fameux. Critique convaincante, bravo. C’est une honte de prendre de si bons acteurs pour un scénario si médiocre…
Je me demande si vous avez vraiment vu le film ?! Je ne crois pas. Vous vous êtes contenté des teasers-trailers-tvspots glanés de ci de là , avec votre avis déjà tout fait sur la MCU ( Marvel CInematic Universe ) . On l’a compris, vous n’aimez pas les blockbusters, vous n’aimez pas la magie du 21ième siècle du cinéma avec ses belles doses de VFX. Vous n’avez même pas noté ce côté là du film … vous préférez déverser tout ce que vous avez de négatif à raconter sur Disney et Marvel Studios en usant de subterfuges culturels dont vous ne maîtrisez même pas la connaissance , à la balancer du Tchekov par ici et bientôt du Heinderger par là tant qu’on y est ?
Cette origine-story de Docteur Strange est parfaite. Je n’ai rien à ajouter de plus , ou à fouiner des petits détails, et me régaler du caméo de Stan Lee.
J’ai eu cette chance d’entrer dans ce film par le biais de la plus belle expérience cinématographique : Le IMAX-3D ( écran de 11-12m de large, incurvé, image au MAX, 4K voir plus, plus le relief 3D plus prononcé, et le son de partout ! ) . C’est ce qui vous a manqué pour apprécier ce film qui amorce la phase 3 de la MCU après Captain America Civil War.
Ha vous auriez manqué aussi les deux séquences après-générique ?! Dingue ! Mais vous n’auriez pas apprécier la chopine de bière de Thor que Strange fait remplir à volonté… et l’ouverture vers le second film qui aura bien lieu vu le succès mondial .