SILENCE
XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.
Crise de foi.
La maestria de Martin Scorsese n’est plus à prouver. Quand on découvre Silence, on mesure immédiatement la qualité formelle de l’objet : photographie tout en nuances et décors soignés, direction d’acteurs convaincante. Le début du film est marqué par les fameux « God Watching Shot(s) » chers au réalisateur, des vues en plongée surplombant les personnages qui offrent de magnifiques moments de composition visuelle, et qui suggèrent déjà, sans un mot, le thème principal du film : l’impassibilité du regard divin face aux hommes.
Il est intéressant de souligner combien peu « scorsesien » ce film apparaît dans sa forme : pas d’artifices spectaculaires ni d’extraordinaires mouvements de caméra. Comme Scorsese a pu l’expliquer lors de la conférence de presse parisienne, il n’avait aucune raison de s’agiter derrière sa machine pour créer des plans sensationnels : l’essentiel était déjà là. Et la spiritualité qu’il souhaitait insuffler à ces images n’aurait pu se concilier avec une mise en scène inutilement sophistiquée. En résulte un minimalisme inattendu qui fait écho à la solennité des faits racontés.
Impossible de remettre en question l’implication du réalisateur dans son projet après 28 ans d’épreuves pour le faire naître, la sincérité de sa démarche, sa générosité également. Scorsese met l’accent sur l’importance de la spiritualité dans la vie de chacun, qu’elle soit religieuse ou non. Une humilité très touchante se dégageait de ce discours. Le film témoigne en effet de véritables questionnements sur la légitimité de la foi catholique qui habitent le réalisateur depuis son enfance, baignée dans le plus strict catholicisme romain. Mais dans la mise en scène grave de ce sujet difficile s’élève en creux une question perturbante : qu’en est-il des autres cultes ?
Les japonais bouddhistes mis en scène ne sont que des outils narratifs ayant pour finalité d’éprouver notre padre Rodrigues. L’unique prisme de lecture du film est indubitablement celui du christianisme catholique et il y a dans cette univocité de ton un parti-pris dérangeant. Sans tomber pour autant dans un manichéisme schématique, l’histoire reste avant tout l’échec des bons jésuites portugais à diffuser la bonne parole au Japon, « marécage infertile » impropre à l’enracinement de la doctrine venue d’Europe. Pas à un moment le bouddhisme n’est considéré comme une autre voie possible, une autre forme de vérité qui prendrait sa cohérence en terre japonaise. Tout comme les méchants japonais ne peuvent concevoir l’idée d’une divinité transcendante à l’occidentale, jamais le cinéaste ne considère avec sérieux les immanences bouddhistes. Et cette absence de dialogue, de recul au sujet de sa propre foi et donc de compréhension entre les cultures a de quoi effrayer.
Tous les procédés de l’ « héroification » à l’américaine se déploient autour de notre joli portugais érigé en martyre, forcé à renier sa foi dans sa croisade avortée. Et cet absolu catholique aboutit sur un objet cinématographique aussi long que lourd, où le mystère du silence divin devient assurément étouffe-chrétien.
La fiche
SILENCE
Réalisé par Martin Scorsese
Avec Andrew Garfield, Liam Neeson, Adam Driver…
Etats-Unis, Japon – Drame, Historique
Sortie en salle : 8 février 2017
Durée : 161 min