TUNNEL
Jung-soo prend la route pour rentrer chez lui. Alors qu’il franchit un tunnel en voiture, celui-ci s’écroule autour de lui. Avec des vivres très limités et très peu de moyens de communication, il va devoir lutter contre la claustrophobie en attendant les secours…
Histoire en béton.
On commence à en avoir l’habitude, avec le cinéma coréen. Et pourtant, on se laisse surprendre à chaque fois. Car comment peut-on aussi bien mélanger les genres, faire en sorte que le tout soit cohérent et qu’en plus, cela tienne sur deux heures ? Tunnel de Kim Seong-hun ne déroge pas à la règle, naviguant en permanence entre film catastrophe, film d’action, satire sociale et comédie de situation, avec une fluidité et une audace qui ne peuvent que laisser admiratif.
Recette miracle
Un peu comme Hard Day, le premier long-métrage de Kim Seong-hun qui se la jouait After Hours, le film démarre pied au plancher : à peine le personnage principal nous est présenté, que ses ennuis commencent. Voilà Jung-soo (Jung-woo Ha, valeur sûre du cinéma coréen, reconnu dans The Chaser ou plus récemment Mademoiselle) coincé dans sa voiture, ensevelie sous des tonnes de gravats dans un tunnel. Cette introduction sans le moindre bout de gras est à elle seule à mille lieux des conventions du genre. En moins de cinq minutes, on sait déjà que Tunnel n’est pas un énième film catastrophe bas du front (ce n’est ni Daylight ni San Andreas, donc). La suite ne fera que confirmer ces impressions.
Notre bonhomme, père de famille ni héros, ni paria, tente désespérément de se sortir de sa situation. On le comprend. L’intelligence de Tunnel, a contrario des soupes hollywoodiennes citées plus haut, est de transposer le pathos hors des spectateurs du film vers d’autres spectateurs : les médias et les politiques. C’est qu’à l’air libre, les deux entités monstrueuses se mettent en mouvement pour exploiter le filon d’un drame étiré à l’échelle nationale, et en tirer tous les bénéfices. La critique du cinéaste envers l’absurde course à l’information et le cynisme des hommes et femmes politiques, bien que peu subtile, est acerbe et fait parfois basculer le film dans le comique pur. En bon entertainer qui se respecte, Seong-hun n’oublie pas que ses spectateurs sont aussi venus voir de l’action, et au détour d’une séquence en particulier dont nous vous laisserons la fraîcheur de la découverte, le réalisateur coréen nous sort rien de moins que l’une des séquences les plus tendues et spectaculaires de ce début d’année.
Des fissures dans les fondations
Comme souvent lors des films à succès en Corée, sous l’action, l’humour et les gravats, on retrouve une critique mordante contre le conservatisme et l’entre-soi des classes moyennes autant qu’une tendresse chaleureuse envers les classes populaires, un peu bêtes mais jamais méchantes, dont les petites bourdes font bien souvent les grands nœuds dramatiques, malgré eux. Là où Tunnel surprend, c’est sur sa capacité à enchaîner quelques cartouches bien senties contre les institutions publiques et à envoyer un message frontal contre la corruption de la bureaucratie gouvernementale. Oui, on le rappelle : le film traite d’un type coincé sous un tunnel. Comme quoi, tant que l’écriture et le rythme sont ingénieux, tout est possible.
Tunnel est donc un film généreux, un rollercoaster de deux heures qui nous laisse tour à tour les mains moites puis les yeux humides, et qui représente surtout une pierre de plus dans l’édifice du film de genre coréen, un cinéma dont on n’a pas fini d’explorer les richesses. Comme quoi, même au beau milieu des éboulements de gravats bétonnés des blockbusters, on peut trouver des héros, si on creuse au bon endroit.
Florent Dufour & Robin Souriau
La fiche
TUNNEL
Réalisé par Seong-hun Kim
Avec Doona Bae, Jung-woo Ha
Corée du Sud – Action
Sortie : 03 mai 2017
Durée : 122 min