DE TOUTES MES FORCES
Nassim est en première dans un grand lycée parisien et semble aussi insouciant que ses copains. Personne ne se doute qu’en réalité, il vient de perdre sa mère et rentre chaque soir dans un foyer. Malgré la bienveillance de la directrice, il refuse d’être assimilé aux jeunes de ce centre. Tel un funambule, Nassim navigue entre ses deux vies, qui ne doivent à aucun prix se rencontrer…
400 coups (de poing).
Nassim fréquente un grand lycée et se fond totalement dans la masse des élèves. Mais ce que personne ne sait, c’est que lorsqu’il rentre chez lui, il retrouve une mère dépressive dépendante aux drogues et aux médicaments. Et lorsque celle-ci meurt et que Nassim doit vivre en foyer, il continue à cacher la vérité à ses camarades. À travers le portrait de ce garçon qui ment pour préserver sa réputation, Chad Chenouga capte toute la réalité d’une société où les apparences et les préjugés sont rois, au point d’influer sur la vie d’un être, de pouvoir en dicter les choix ou en modifier l’avenir, au-delà de l’humain qui se cache sous le masque. Nassim s’autodétruit plus qu’il ne se sauve en voulant cacher sa condition. De la même manière, la directrice du foyer, représentante des institutions sociales, aux prises avec de multiples situations complexes, alimente parfois involontairement la chute de jeunes qu’elle cherche pourtant sincèrement à aider. Personne ne semble épargné par cette logique, mais personne n’est vraiment responsable non plus, semble nous dire Chad Chenouga.
Pourtant dans ce lent processus de fuite en avant, le réalisateur capte des instants de lumière, qui laissent encore croire en l’humanité. Il y a toutes les mains tendues, des camarades de lycée de Nassim et des jeunes du centre qui, au départ hostiles à ce nouveau venu qui ne leur ressemble pas, finissent par l’accepter parmi eux. Nassim s’ouvre aussi, brise peu à peu son masque, oublie ses préjugés. Mais ces lueurs de liberté, qui gagneront peut-être un jour, semblent encore aujourd’hui enfermées dans une chute inaliénable.
Il y a beaucoup des 400 coups de François Truffaut dans ce récit autobiographique. La même insouciance de la jeunesse, la même quête de liberté, la même révolte inconsciente contre la société. Pas étonnant que les deux films partagent une fin similaire, avec une scène équivalente de fuite filmée en travelling latéral. Seule l’enveloppe change finalement, faite des expériences de chacun des réalisateurs. Chad Chenouga choisit ainsi de raconter sa jeunesse en foyer, d’en dépeindre le quotidien, tantôt dur, tantôt lumineux, de manière sincère et touchante. Il évoque aussi le deuil de sa mère, élément majeur de la fuite en avant de son personnage principal, une tristesse et un sentiment de culpabilité qui se transforment en colère, moteur de sa révolte et de ses actes.
Et si François Truffaut avait trouvé en Jean-Pierre Léaud son double parfait, Chad Chenouga l’a lui déniché en Khaled Alouach. Le jeune comédien, qui comme Léaud fait ici ses premiers pas à l’écran, transpire à chaque plan d’une présence incroyable. Le regard tantôt fragile, tantôt déterminé, parfois noir, parfois rayonnant, Khaled Alouach porte le film avec une force que sa frêle silhouette ne laissait pas suspecter. Quelques jolis seconds rôles l’accompagnent dont Yolande Moreau, impeccable en directrice-mère de substitution, et Jisca Kalvanda, lumineuse et touchante en pensionnaire du foyer motivée par l’envie de s’en sortir.
Film coup de poing et coup de cœur, De toutes mes forces est de ces œuvres qui font passer par toutes les émotions et restent gravées en nous bien après la projection.
La fiche
DE TOUTES MES FORCES
Réalisé par Chad Chenouga
Avec Khaled Alouach, Yolande Moreau…
France – Drame
Sortie : 3 mai 2017
Durée : 98 min