INDIGNATION
En 1951, le jeune Markus Messner quitte son New Jersey natal pour intégrer une université conservatrice de l’Ohio. De nature timide et marginale, il préfère se consacrer corps et âme à ses cours jusqu’au jour où il tombe sous le charme de l’énigmatique Olivia Hutton. Celle-ci, dès leur premier rendez-vous, s’adonne à un acte qui n’en finit pas de troubler Markus…
À la hauteur.
Philip Roth et le cinéma, ça n’a jamais vraiment été une histoire d’amour. L’un des plus grands écrivains américains de la seconde moitié du 20ème siècle n’a en effet jamais eu droit à une adaptation digne de son immense talent. Que ce soit Goodbye Colombus, La Tâche ou bien Portnoy et son complexe, aucun de ces films n’aura véritablement réussi à capter ce qui fait l’essence du style Roth.
Alors la perspective de voir James Schamus, producteur aguerri (en particulier pour Ang Lee) mais cinéaste débutant, s’atteler à l’adaptation d’Indignation, l’un des derniers romans de Roth (paru en 2013), n’avait pas franchement de quoi rassurer. Et pourtant…
Indignation se révèle finalement être l’une des meilleures transpositions à l’écran de l’univers de Philip Roth, fidèle dans l’esprit et le propos. On aurait pu s’attendre à ce que la machine hollywoodienne trahisse l’œuvre originelle pour mieux la faire rentrer dans ses petites cases ; sauf que le réalisateur (également auteur du scénario) respecte quasiment à la lettre près le roman : il y est donc bien question de sexualité, de judéité, des difficultés de s’émanciper du giron familial, de trouble de l’identité et de la mort. Et Philip Roth ne serait pas Philip Roth s’il n’y était pas aussi question frontalement de masturbation et de fellation.
Comme pour mieux mettre en valeur le style Roth, la part belle est faite aux dialogues et aux questionnements intérieurs des protagonistes, plutôt qu’à des actions faisant avancer le récit de manière programmatique. Notamment au détour de deux séquences de discussion – l’une avec le doyen de la faculté, l’autre avec sa mère – dans lesquelles le jeune Marcus (personnage double de Philip Roth dans le roman) se retrouve confronté à l’autorité. Deux séquences totalement anti-spectaculaires sur un strict plan de la mise en scène, mais néanmoins décisives et rythmées par des dialogues secs et lourds de sens, transformant ces deux moments qui n’ont l’air de rien en tour de force qui laissent le spectateur presque essoufflé. Ce n’est pas non plus du Aaron Sorkin, mais on n’en est tout de même pas loin.
Gloire soit rendue au casting pour avoir su rendre avec brio le texte original, les jeunes Logan Lerman (Fury) et Sarah Gadon (Cosmopolis) en tête, mais aussi Linda Emond et Tracy Letts, qui crèvent tous deux l’écran dans les rôles de la maman et du doyen.
La mise en scène se fait quant à elle discrète mais reste élégante et racée, au service d’un film qui est bien loin de la simple « coming of age story » comme on en a vu par paquets de douze. Et c’est tout en douceur et sans avoir l’air d’y toucher, appuyé par une photo diaphane et une partition musicale délicate, que le film parvient à émouvoir. Il lui suffit d’évoquer, sans le moindre pathos, le souvenir d’une jambe dénudée ou d’un bouquet de roses pour que les émotions liées à ces petits moments de bonheur passé remontent à la surface.
Remercions donc James Schamus d’avoir réussi à offrir à Philip Roth l’écrin cinématographique que son œuvre méritait depuis tant d’années. Même si c’eut été encore mieux de pouvoir le découvrir sur grand écran…
La fiche
INDIGNATION
Réalisé par James Schamus
Avec Logan Lerman et Sarah Gadon…
Etats-Unis – Drame
Sortie (DVD & VOD) : 15 juin 2017
Durée : 105 min