KIDS RETURN
Shinji et Masaru, deux jeunes adeptes de l’école buissonnière, vont petit à petit délaisser l’école. L’un va se consacrer à la boxe ; l’autre rejoint un gang de Yakuza.
Cycles et tandem.
Au niveau international, le nom de Takeshi Kitano est l’une des références du cinéma japonais. Acteur, réalisateur, poète, comique ou encore développeur du jeu vidéo considéré comme le plus dur jamais conçu, l’artiste ne cesse de surprendre par son talent. Dans Kids Return, ce dernier délivre un message plein d’espoir à une jeunesse qu’il pense capable de devenir ce qu’elle souhaite. Une rupture avec un Japon traditionaliste dont la réussite passe par le monde du travail, ici représenté par les professeurs de deux jeunes protagonistes aussi rebelles que perdus. Shinji et Masaru, deux lycéens perturbateurs passant le temps en rackettant d’autres élèves pour fumer des cigarettes et boire des coups, sont les pièces centrales de cette histoire beaucoup plus dense qu’il n’y parait. A travers leur parcours, Takeshi Kitano s’intéresse à deux « bullies » mais également à un étudiant studieux, dont la réussite semble toute tracée. Un arc narratif en filigrane qui, en une dizaine de minutes en tout, étonne par son incroyable puissance.
Masaru et Shinji, au centre des projecteurs, sont liés par une incroyable amitié. Alors que les deux racketteurs se prennent une correction, le récit prend une direction surprenante. Masaru, motivé par la vengeance, se met en tête de prendre des cours de boxe. Shinji décide à suivre son ami comme à son habitude. C’est pourtant lui qui se découvrira un talent pour le noble art tandis que son compère grimpera les échelons des Yakuza. C’est à travers cette mafia aux allures traditionalistes que Kitano parsème Kids Return d’une violence aussi brutale qu’inattendue au milieu d’une poésie certaine, soulignée par la bande-originale rêveuse et soutenue de Joe Hisaishi. Le musicien connu pour son travail auprès de Miyazaki et Takeshi Kitano signe une nouvelle composition qui hante l’esprit des jours durant.
Kids Return baigne entre optimisme et pessimisme, à travers son traitement ironique de la classe traditionaliste japonaise et les parcours incertains de ses personnages. Dans la vie, certains s’en sortent, parfois par hasard, tandis que d’autres échouent. Une sorte de boucle perpétuelle dans laquelle seule l’amitié survit, même lors d’un énième passage par la case départ. Kitano n’a jamais caché son désarroi face au système scolaire et l’illustre une nouvelle fois ici. Seules les chiffres comptent : le taux de réussite, les individus n’existent plus et les perturbateurs doivent disparaître progressivement. Kitano soulève la modernité de son message par un montage toujours plus audacieux. Son plus bel exemple reste ce professeur et sa voiture flambant neuve dans un plan puis calcinée dans le second, traduisant les interdictions comme les seules sources de motivation d’une jeunesse désabusée. Le cinéaste nippon insuffle une dynamique à travers les combats de boxe et les entraînements donnant presque envie d’enfiler les gants pour taper en rythme. De rejoindre ces deux adolescents et leur émancipation à travers ce sport noble mais violent, accessible mais exigeant.
Kitano n’a fait qu’affirmer sa position moderne avec le temps. Alors que d’autres réalisateurs japonais, tout aussi bons, étaient considérés comme très traditionnels (Yasujirō Ozu en tête), Kitano a apporté un changement important à l’industrie. Kids Return reste le plus bel exemple de ce changement et une vraie réussite dans la filmographie du réalisateur. Alors que le film sortira en version restaurée sur nos écrans en août prochain, il semble inévitable de se ruer dans les salles de cinéma le (re)découvrir.
La fiche
KIDS RETURN
Réalisé par Takeshi Kitano
Avec Masanobu Ando, Ken Kaneko, Ryo Ishibashi…
Japon – Drame
Sortie (DVD & VOD) : 9 août 2017 (version restaurée)
Durée : 107 min