BARON NOIR | On a vu le début de la saison 2
Deux ans. C’est le temps qu’il aura fallu à la série-événement de Canal+, librement inspirée de la vie du véritable « baron noir » Julien Dray et des déboires du PS, pour revenir sur les écrans. Un délai plutôt court au vu d’une actualité politique riche en rebondissements. Et un marathon que Thomas Bourguignon, un des producteurs de la série, comparait lors de la présentation à la presse à « écrire les Frères Karamazov dans une boîte à chaussures ».
La première saison s’achevait – attention spoiler – sur un cliffhanger de génie. Sous les verrous pour ses malversations en tant qu’élu, Philippe Rickwaert, porté par la faconde d’un Kad Merad au sommet de son art, continuait pourtant à manipuler son monde en coulisses, agissant comme l’éminence grise de sa maîtresse, Amélie Dorendeu. Incarnée par la ténébreuse Anna Mouglalis à la voix de basse, celle-ci, de discrète mais ambitieuse conseillère, est devenue entretemps candidate à la succession de l’ancien locataire démissionnaire de l’Elysée, dont l’interprète Niels Arestrup a choisi de ne pas renouveler l’expérience, au grand désespoir de certains fans.
Pour promouvoir cette deuxième saison, la production aura sorti le grand jeu, à coups de faux compte Twitter dédié à son personnage principal et même d’articles d’auto-promo qui n’hésitaient pas à jouer avec humour sur la gouaille de celui-ci. On retrouve au début de cette suite un Philippe Rickwaert hagard, obligé de porter un bracelet électronique, perdu dans un monde dont les règles semblent avoir changé en son absence et qui se retrouve pour la première menacé d’être mis sur la touche. Il lui faut pourtant moins de deux épisodes pour retrouver toute sa force et faire la preuve qu’il reste un diabolique animal politique, avec des réserves inépuisables de cynisme.
En résonance avec l’actualité, on retrouve dans cette deuxième saison des angoisses très actuelles comme un Front national si haut qu’il contraint tout l’échiquier politique à se positionner en fonction de lui, la menace de la radicalisation ou encore la crainte d’un attentat islamiste. On a presque envie de conseiller au véritable PS de regarder la série quand par exemple Philippe Rickwaert suggère à son ex-maîtresse de ramener les ouvriers qui votent FN vers les socialistes. Dans le monde réel, feu Solférino serait bien avisé de s’en inspirer.
En revanche, les scénaristes, qui font apparaître des candidats de la société civile pour remplacer les cumulards, n’avaient visiblement pas anticipé le raz-de-marée Macron. Du côté des nouvelles têtes qui font leur apparition, le panel semble assez inégal : si le sémillant François Morel est assez agréable à voir en gentil leader communiste, sorte de Maurice Thorez un peu guilleret, Pascal Elbé apparaît moyennement convaincant en parrain centriste.
On peut reprocher à cette nouvelle saison d’être parfois trop bavarde, avec des dialogues très écrits qui contraignent les personnages à débiter des kilomètres de texte, entre jargon et l’impression d’assister à « la politique pour les nuls ». Filmés par moment à la manière d’un documentaire caméra sur l’épaule, les travellings à répétition, caméra derrière la nuque des interlocuteurs quand les personnages parlent, sont parfois irritants.
Si le rythme de ce deuxième volet semble parfois plus lent que dans la première saison, ce retour se démarque enfin par son humour, qui faisait cruellement défaut à la saison 1. Signe que la série a atteint en à peine une saison le point où elle est devenue incontournable, presque un monument de la fiction française.