MOULIN ROUGE !
All you need is love
Après avoir réinventé Romeo + Juliette en déplaçant cette tragédie amoureuse mythique à notre époque, sur fond de guerre des gangs à Los Angeles, Baz Luhrmann décide cinq ans plus tard d’aller pimper le rayon « comédie musicale », qui en avait clairement besoin, en mettant en scène son Moulin Rouge !
Sous couvert d’un scénario plutôt simpliste (une histoire d’amour contrariée entre un poète et une meneuse de revue durant la Belle époque, dans un Paris très carton-pâte), le réalisateur déroule une mise en scène flamboyante, vrai marqueur de son style inventif. Barré et baroque, ce film au rythme intense vaut bien l’acceptation de quelques maladresses (personnages secondaires outranciers, effets visuels parfois discutables, sens du bordel pas toujours maîtrisé). La crise d’ado de Baz Luhrmann transforme Moulin Rouge ! en un pur et généreux divertissement d’auteur. Débordant de tout, sa comédie musicale flirte souvent avec le kitsch mais reste toujours attachante. Un exercice d’équilibriste dont seul le réalisateur australien a le secret – capable de déclencher amour et haine à chaque nouvelle sortie (coucou Gatsby). N’est-ce pas là finalement la marque des metteurs en scène les plus audacieux ?
Come what may
Le duo Kidman/Mc Gregor fonctionne parfaitement au milieu de scènes très commedia dell’arte, qu’on laisse filer comme un acte de théâtre passable. Car l’essence de Moulin Rouge ne se trouve pas dans ses rebondissements et ses dialogues (quoique !) mais bien dans sa BO sacrément efficace ! La réinterprètation des plus gros tubes contemporains, de Heroes de Bowie, en passant par Roxanne de The Police, Smells Like Teen Spirit de Nirvana, jusqu’à All You Need Is Love des Beatles, est une idée de génie. Un anachronisme permanent qui donne à Moulin Rouge ce ton si moderne et décalé. Loin de céder à la facilité de la reprise pure et simple, Luhrmann réinvente totalement ces refrains de la pop culture dans un style unique, forcément très chorégraphié et clipesque dans un décorum baroque des plus chatoyants. Et lorsqu’on découvre la seule chanson originale c’est pour voir débarquer la fabuleuse et entêtante Come What May.
Un trip de 2h sous LSD où l’on se sent forcément un peu coupable, à la fois émerveillé devant tant d’énergie créative et apeuré face à son rythme éprouvant et ce sens du show indéniable. Moulin Rouge ! demeure cette bombe anti-cynisme qui laissera toujours pantois les pisse-froids.