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MON VOISIN TOTORO

 Deux petites filles viennent s’installer avec leur père dans une grande maison à la campagne afin de se rapprocher de l’hôpital ou séjourne leur mère. Elles vont découvrir l’existence de créatures merveilleuses, mais très discrètes, les totoros. Le totoro est une créature rare et fascinante, un esprit de la forêt. Il se nourrit de glands et de noix. Il dort le jour, mais les nuits de pleine lune, il aime jouer avec des ocarinas magiques. Il peut voler et est invisible aux yeux des humains. Il existe trois totoros : O totoro (gros), chu totoro (moyen) et chili totoro (petit). 

Nature enchanteresse, féminisme et mystère

Soit deux dessins animés à l’intrigue similaire : Mon Voisin Totoro, chef-d’œuvre de Hayao Miyazaki qui ressort le 13 juin, et Lilo & Stitch, cuvée Disney 2002. Tous deux racontent la rencontre de jeunes filles avec des êtres non-humains dotés de pouvoirs extraordinaires : Totoro, dieu protecteur d’une forêt japonaise, et sa clique ; Stitch, mutant extraterrestre en fuite.

Or, Mon Voisin Totoro surclasse incontestablement son rival. Pourquoi ? Démonstration.

Premier point : la caractérisation des personnages féminins.

La question du genre domine discrètement les deux œuvres. Il s’agit dans les deux cas de la rencontre entre de vulnérables jeunes filles et un être masculin plus puissant. Vulnérables, parce que leur famille vit une crise. La mère de Satsuki et Mei, héroïnes de Mon Voisin Totoro, est hospitalisée pour une maladie grave, pendant que leur père veille sur elles dans leur nouvelle maison ; quant à Lilo, elle n’a tout bonnement plus de parents (dans la grande tradition Disney) et vit chichement avec sa grande sœur qui cumule les jobs mal payés, à qui elle cause nombre de soucis du fait de sa maladresse.

En apparence, les situations se ressemblent. Or, le comportement des personnages féminins n’a rien à voir. Comme dans tout Disney, la princesse, aussi jeune soit-elle, se contente d’attendre le prince charmant, qui ici prend la forme d’un extraterrestre dingue : Lilo n’agit que par et pour Stitch, autrement elle ne prend aucune initiative – et tant mieux, car lorsqu’elle en prend, elle ruine les efforts de sa sœur. Tout autre est le comportement de Satsuki et Mei. Profitant de l’absence de leur mère et du laisser-aller de leur père, elles s’aventurent seules dans les bois pour le plaisir de l’exploration. C’est Mei, une gamine de quatre ans à tout casser, qui débusque l’énorme Totoro dans sa tanière en lui tombant sur le bidon au beau milieu de sa sieste. Les dents colossales et le sourire farouche de la bête ne l’effrayent pas ; c’est elle au contraire qui bouscule le dieu et le transforme en compagnon de jeu.

Surtout, Lilo ne cesse de chouiner et de réclamer auprès de sa grande sœur l’insupportable principe de « Moana » (« famille » en hawaïen). Un slogan pénible qui signifie le caractère indissoluble et organique de l’entité familiale, que l’on recherche désespérément parce qu’on ne sait pas quoi faire d’autre quand on est une princesse Disney. Les héroïnes de Totoro n’ont pas besoin d’une telle présence familiale. Certes, elles souffrent de l’absence de leur mère, mais comme des enfants souffrent : de temps à autre, selon les jours et les humeurs. Malgré cela, elles ne quêtent pas câlins et caresses et préfèrent cultiver la vie sauvage de la forêt avec leurs amis Totoro.

Bilan du premier point : 1-0 pour Hayao Miyazaki et son féminisme.

Deuxième point : la caractérisation des personnages masculins.

Passons rapidement sur les mâles humains, peu présents dans les deux œuvres étudiées. Notons cependant la figure du père dans Totoro, qui n’a rien du paternalisme autoritaire en vigueur chez Disney (quand il y a un père) : parent moderne, il laisse libre cours aux déambulations de ses filles, dont il écoute les récits avec attention.

Stitch et Totoro représentent, de manière métaphorique, deux versants de la masculinité. Stitch, proto-chien de l’espace, est une bête enragée qui détruit tout sur son passage : la virilité brutale et sa pulsion violente, que la sage féminité de Lilo va adoucir et surtout, canaliser dans son intérêt. Totoro, de même que son camarade le Chat-Bus, partage avec Stitch une force monstrueuse ; mais lui n’en fait pas étalage. Un peu bêta, un peu grotesque, très attachant, Totoro arbore d’autres qualités que la puissance physique. Comme les filles, il aime jouer : voler accroché à un parapluie, semer des graines et danser autour, attendre le Chat-Bus sous la pluie, dormir… À chaque jour, son lot de merveilles à découvrir.

Bilan du deuxième point : 2-0 pour Hayao Miyazaki et son refus du masculinisme à tout crin.  

Mon voisin Totoro

Troisième et dernier point : la mise en scène du mystère.

La narration diffère du tout au tout entre Lilo & Stitch et Totoro. Le premier obéit au schéma traditionnel d’un Disney : le récit initiatique linéaire. Mutant en fuite, Stitch débarque sur Terre ; il trouve refuge chez Lilo, avec qui il fait les quatre cents coups ; Lilo apprivoise sa sauvagerie ; lorsque les propriétaires de Stitch débarquent sur Terre et capturent Lilo, Stitch leur met la misère pour délivrer son amie ; Stitch et Lilo vivent heureux et dansent avec des fleurs. Morale de l’histoire : la force brute c’est mal, mais quand on la domestique pour en faire son alliée c’est bien.

Il est bien plus difficile de tirer une morale de Totoro. Que signifient les épisodes cultes de la danse nocturne des Totoros et des filles autour de graines qui germent en une gigantesque forêt ? du vol de nuit en parapluie ? du Chat-Bus et de ses yeux jaunes luisant ? Quelque chose résiste à l’interprétation : ce qui fait tout le sel de ces séquences. Ce quelque chose, c’est peut-être l’indéchiffrable part de mystère du monde. Une inquiétante étrangeté que l’on ne peut percer. Comme Nausicaä de la vallée du vent, Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro fait partie des films les plus animistes du maître nippon. Satsuki et Mei jouent avec des forces qui les dépassent sans chercher à les mettre sous tutelle. Mon Voisin Totoro met en scène les puissances surnaturelles qui habitent le Japon rural : elles trouent la narration, l’obligent à des détours, à des arrêts imprévus, où l’on contemple ébahi un mystère plus grand que soi, et pourtant, si bienveillant.

Bilan du troisième point et bilan total : 3-0 pour Hayao Miyazaki et sa mise en scène de la nature enchanteresse.

 

Il y aurait encore beaucoup à ajouter pour louer Mon Voisin Totoro. Mais rien ne sert de trop en dire : mieux vaut voir cette pépite de ses propres yeux.




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Ariana
6 années il y a

Attention : c’est Ohana et non Moana qui signifie « bonjour » ! Moana est le nom original de Vaiana.

Ariana
Répondre à  Ariana
6 années il y a

J’ai écrit un peu vite : ohana signifie famille 😅

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