AMANDA
Paris, de nos jours. David, 24 ans, vit au présent. Il jongle entre différents petits boulots et recule, pour un temps encore, l’heure des choix plus engageants. Le cours tranquille des choses vole en éclats quand sa sœur aînée meurt brutalement. Il se retrouve alors en charge de sa nièce de 7 ans, Amanda.
Déflagrations émotionnelles.
On avait quitté Mikhaël Hers un été, entre Berlin, Annecy ou New-York, auprès d’un Anders Danielsen Lie au bord du gouffre. On le retrouve à Paris, toujours autour du motif du deuil et de son dépassement. Ce qui frappe tout de suite est la qualité de ses scènes d’exposition. Les premières minutes d’Amanda rappelle la première scène de Ce sentiment de l’été, introduire les personnages, leur cadre de vie, en douceur, avec une grande subtilité, nimbés d’une belle lumière bienveillante. Chez Mikhaël Hers le temps de l’innocence ne dure jamais bien longtemps, et le Paris d’Amanda perd vite son aspect merveilleux, écrin du bonheur d’une petite famille composée de David, joué par un Vincent Lacoste qui n’a jamais été aussi juste, de Sandrine sa sœur, et de la petite Amanda. C’est ce sens de la rupture qui compose la marque de fabrique du réalisateur, planter un cadre pour mieux le faire exploser, révolutionnant en quelques plans tout ce que l’on croyait savoir de l’histoire qui nous est présentée.
Cette structure narrative, construite entièrement autour de David, se fonde à la fois sur un choc personnel, mais aussi sur un événement qui fait écho aux drames vécus ces dernières années en France. La subtilité du propos du film est de ne jamais surligner les détails de l’événement, pour se concentrer sur les histoires individuelles, notamment celle de Léna, jouée par Stacy Martin, elle aussi victime du fait divers raconté par le film. Loin du sordide, Hers nous confronte à ce qu’il y a de plus humain en nous, sur nos émotions les plus profondes. Si Vincent Lacoste est l’un des acteurs les plus doués de sa génération, remarqué par Les Beaux gosses de Riad Sattouf en 2009, il n’a jamais été aussi émouvant que dans Amanda. On le voit devenir adulte sous nos yeux, paniquer, s’affirmer, se questionner sur tout. Il est assez rare de voir un tel personnage dans un drame français : désinvolte, sans ambition professionnelle, avec une famille très réduite, toujours sur la brèche. Chaque seconde de sa nouvelle vie semble porter la charge émotionnelle du drame, chaque larme qu’il verse est un peu la notre.
La mosaïque de la vie
L’autre révélation du film est Isaure Multrier, jouant Amanda, petite fille de 7 ans qui affronte sa nouvelle vie, illuminant l’écran de ses yeux bleus et de sa précocité intellectuelle. Sa rencontre avec Lacoste semble une évidence, tant l’alchimie entre eux fonctionne. Là encore, l’écriture d’Hers fait des merveilles, tant dans les dialogues, que dans l’évolution de leur relation, qui de distante, revancharde, devient fusionnelle. Au delà d’eux, ce sont tous les stades de la vie qui sont évoqués, que ce soit la relation aux parents, avec la mère anglaise qui tente de renouer des liens évanouis, mais aussi l’histoire d’amour avec Léna, compromise par les aléas de la vie. Tous ces petits morceaux forment la très belle mosaïque de la vie de David, qui peuvent s’assembler avec harmonie, dévoilant une sublime tapisserie, ou bien voler en éclats pour ne laisser que de la poussière et du dépit.
Ce sont toutes ces possibilités, toute cette trame, qui composent la richesse d’Amanda, plus qu’un simple drame familial, ou qu’une histoire d’amour contrariée. On porte son cœur et ses émotions au bout des yeux à chaque plan, le souffle court tellement l’enchaînement est haletant, la surprise au rendez-vous. En trois long-métrages, Mikhaël Hers atteint une maturité dans sa mise en scène qui force le respect, dirigeant ses acteurs avec brio, tirant de chacun le meilleur de leur potentiel. Amanda est un film qui n’a pas peur de ses émotions, ne se cache pas, et ne joue pas non plus avec son spectateur. Il regarde fièrement devant, narrant avec simplicité ce que c’est que de devenir adulte dans un monde hostile qui peut bouleverser du jour au lendemain l’équilibre de n’importe qui. Ni cynique, ni misanthrope, le film au contraire est rempli d’espoir, montrant que même si on trébuche souvent, la lumière revient toujours nous réchauffer.
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