MOWGLI
La ficheRéalisé par Andy Serkis – Avec Rohan Chand, Andy Serkis, Benedict Cumberbatch…
Etats-Unis – Aventure – Sortie (Netflix) : 7 décembre 2018 – Durée : 104 min
Synopsis : Lewis poursuit Cathy, à son insu. Il parvient à la kidnapper et l’enferme, visiblement décidé à se venger. Mais de quoi ?
La critique du film
« Victime » malheureuse du succès mondial de la version live du Livre de la Jungle (2016) réalisée par Jon Favreau et produite par Disney, Mowgli : la légende de la jungle a donc vu sa sortie repoussée de deux ans, et s’est fait entre-temps racheter par la plateforme Netflix. On ne peut que regretter ce changement de crèmerie, tant le film d’Andi Serkis déploie une ambition visuelle (l’usage de la motion capture et de la 3D) et une ampleur dramaturgique qui ne pouvaient s’apprécier pleinement que sur un écran de cinéma.
Passée cette frustration, il n’en demeure pas moins que le film épate tout d’abord pour ses partis-pris techniques. Comme il a été dit plus haut, Serkis a choisi la motion capture afin de confondre le visage des acteurs avec leur alter-ego de la jungle, n’utilisant donc pas seulement leur voix mais leur performance physique pour donner vie aux animaux. Un choix radical, qui confère au film un style qui dénote, et qui permet d’exploiter au mieux le charisme des acteurs vedettes choisis pour l’emploi. Christian Bale devient ainsi la panthère Bagheera, Benedict Cumberbatch le tigre Shere Khan, Cate Blanchett le serpent Kaa, Peter Mullan le vieux loup Akela, et Andy Serkis un Baloo aux traits burinés. D’ailleurs, le choix de repenser entièrement le personnage de l’ours va probablement bousculer les attentes de nombreux spectateurs. Jusqu’alors étroitement associé à son incarnation Disney, sorte d’épicurien tendre et attachant dans le genre « grosse peluche », il devient ici une sorte de maître d’école garant de la « loi » de la jungle, à la fourrure sombre et boueuse, et qui peut parfois faire preuve de brutalité. Cela est sûr, ce Baloo rince l’oeil de l’ordinaire.
Si l’on passe outre quelques plans techniquement inaboutis, notamment dans les dix premières minutes, le film d’Andy Serkis déploie ensuite une mise en scène spectaculaire, extrêmement soignée, avec un sens du montage et de la dramaturgie qui tient en haleine le spectateur, plongé dans cette jungle aussi passionnante à regarder que terrifiante à arpenter.
En effet, Mowgli : la légende de la jungle est une interprétation beaucoup plus violente du livre de Kipling, où les bêtes se battent pour leur place, toutes écorchées ici ou là, et marquant de leur sang le vert de cette jungle dans laquelle ils (sur)vivent. Serkis invoque une mythologie tout à fait passionnante, nous présentant la dure « loi » de la jungle, à l’origine de l’exclusion du petit d’homme de sa famille de loups, mais qui est pourtant garante de la cohésion du règne animal.
On remarque aussi un rapport quasi spirituel à la mort et à la violence, jusqu’alors inédit dans les différentes adaptations du Livre de la Jungle. En témoigne une scène de chasse ou Bagheera explique que celui qui doit retirer la vie doit regarder la proie dans l’oeil afin de l’accompagner et de l’apaiser dans l’au-delà. La notion d’équilibre est au coeur du film, et puise justement son intensité dramatique dans le fait que c’est une « anomalie », un petit d’homme, qui permet à la jungle de s’apaiser.
Mowgli : la légende de la jungle est donc une excellente surprise, qui offre une vision passionnante du récit de Kipling, et qui déploie, malgré quelques maladresses techniques, une mise en scène et une dramaturgie extrêmement ambitieuses et salvatrices, garantes de son authenticité.