COSMOPOLIS
DAVID CRONENBERG | USA | 108 MIN | 25 MAI 2012 | ROBERT PATTINSON, JULIETTE BINOCHE, PAUL GIAMATTI |
Dans un New York en ébullition, l’ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer, golden boy de la haute finance, s’engouffre dans sa limousine blanche. Alors que la visite du président des Etats-Unis paralyse Manhattan, Eric Packer n’a qu’une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville. Au fur et à mesure de la journée, le chaos s’installe, et il assiste, impuissant, à l’effondrement de son empire. Il est aussi certain qu’on va l’assassiner. Quand ? Où ? Il s’apprête à vivre les 24 heures les plus importantes de sa vie.
David Cronenberg n’a jamais été ma tasse de thé. Responsable d’un des navets les plus répugnants de l’histoire du cinéma (Existenz), le cinéaste canadien a pourtant une patte indéniable à laquelle je n’arrive pas à accrocher. Beaucoup s’étaient enthousiasmé devant A History of Violence, polar hyper-caricatural, artificiel et mécanique au possible. C’était finalement lorsqu’il réalisait un film de mafia plus classique qu’il avait remporté mon adhésion avec le très bon Les promesses de l’ombre – dont il veut apparemment faire une suite, aux dernières nouvelles. Son dernier métrage (A dangerous method) était passablement ennuyeux, bavard et plat – malgré un sujet qui avait de quoi passionner. C’est donc sans une grande conviction mais une curiosité attisée par une bande-annonce réussie que je me rends en salles pour découvrir sa dernière création, l’adaptation cinématographique du roman de Don Delillo.
Rapidement on constate que ce film est absolument dépourvu d’intrigue avec pour unique fil rouge la volonté de Robbie (Pattinson) d’aller se faire couper les tifs dans le salon de son choix à l’autre bout de la ville. Sur son trajet – qui prendra la journée entière pour traverser Manhattan – il en profitera pour renouer avec sa candide et richissime épouse, se taper une milf bien soumise, faire son ckeck-up médical quotidien avec l’analyse prostatique qui va bien, apprendre à se servir d’un flingue, buter son garde du corps avec, niquer sa remplaçante, faire tuner sa limousine par une bande d’émeutiers serviables, méditer quelques instants sur la disparition brutale de son rappeur favori, se la jouer Bernard Henri-Levy en philosophant avec sa conseillère puis en se prenant une tarte à la crème en pleine face et enfin confronter son futur/potentiel assassin.
Décrit comme ça, on a l’impression que Cosmopolis est un film palpitant, rythmé, fascinant, prémonitoire. Ce n’est malheureusement pas vraiment le cas. C’est un long-métrage très (trop) verbeux, maniéré, glauque, malsain et faussement oppressant. On sent la volonté de Cronenberg de restituer l’ambiance mystérieuse du livre avec le sens de l’analogie de Delillo ainsi que le sentiment d’urgence et de chaos mais jamais il ne permet pas au spectateur de pénétrer cet univers à cause d’un scénario et d’une mise en scène terriblement paresseux entraînant des séquences totalement factices, juxtaposées les unes aux autres sans véritable lien entre elles. On est face à une œuvre complètement hermétique et excessivement bavarde qui ressemble pour beaucoup à de la masturbation intellectuelle.
Robert Pattinson ne s’en sort pourtant pas trop mal dans son interprétation du richissime Eric Packer. Nihiliste, tombeur, auto-destructeur et pourtant hypocondriaque, le milliardaire magnat de la finance apprend progressivement qu’il court à sa perte, tant financière que physique et existentielle. On comprend l’intention de l’auteur et du cinéaste de représenter ce golden-boy intouchable cherchant à échapper à la vacuité de son existence par la réflexion et les plaisirs de la chair. Malheureusement, l’adaptation est paresseuse et l’on ne se comprend d’aucune compassion et d’aucun intérêt quant au sort de celui-ci.
Les seconds rôles, eux, sont tous assez mauvais. Juliette Binoche est plutôt insupportable en amante soumise et geignarde tandis que Mathieu Amalric réussit une nouvelle fois à nous taper sur les nerfs en quelques minutes. Sarah Gadon ne convainc pas non plus dans son interprétation faussement placide de la belle épouse richissime. Enfin, Paul Giamatti – que l’on repère à des kilomètres lorsque la limo passe devant les distributeurs automatiques – est un loser misérablement surjoué qu’on aimerait voir cesser de vivre dès l’instant où il apparaît à l’écran mais qui va nous gonfler pendant un interminable dernier quart d’heure qui ne fera jamais monter la tension souhaitée.
Dans ce Cosmopolis, il n’y a pas grand chose à sauver si ce n’est l’interprétation convenable d’un Robert Pattinson qui donne de sa personne pour casser son image de sex-symbol (entre la crème dans la figure, la coiffure saccagée, la scène de pisse et le fist qu’il se prend par son toubib, il n’y va pas de main morte l’ex-vampire scintillant) et quelques tirades philosophiques pas inintéressantes mais noyées dans un océan des dialogues abscons. Décevant.
Je suis passé totalement à côté de l’oeuvre de Cronenberg. Rien à faire, je n’arrive pas à m’y intéresser.
Je peux te comprendre. A une exception près (Les promesses de l’ombre), je n’adhère pas à son cinéma et à son univers. Si Spider avait quelques atouts, il était beaucoup trop long et alambiqué. Les autres sont plutôt ennuyeux ou désagréable, surtout l’abominable Existenz qui ne vaut pour moi aucune indulgence.
Tiens, curieux, c’est vrai qu’on retrouve des passages identiques entre nos deux critiques (« la vacuité de son existence » entre autres). J’imagine que le film nous laisse en fait tellement bouche-bée qu’on en perd notre vocabulaire et que, forcément, on se retrouve à utiliser les mêmes expressions. La plus courante devant le film étant bien sûr « Putain, c’est loooong… »
Salut à toi,
En ce qui me concerne, je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi (ou vous plutôt). Cosmopolis offre un symbolisme assez particulier, les dialogues sont en effet très longs mais sont, au mot près, fidèles au roman de Delillo. Je trouve également que la mise en scène est très réussie, fluide, contrastant avec la dureté de ces fameux dialogues verbeux. En fait je suis d’accord avec vous sur le fait que l’on ne passe pas un « bon moment » devant ce film assez douloureux (volontairement j’imagine), mais que son intérêt réside dans ce qui reste dans la tête du spectateur après la projection.
Je sais, ça ne fait pas tout, et je ne crie pas au chef-d’oeuvre non plus (même si c’est vrai que je reste un peu fan de Cronenberg…), mais même s’il est pour beaucoup d’un ennui mortel, je pense que Cosmopolis est aussi dense et profond, et j’aime ça !
J’en profite, après m’être baladé sur ton site, pour te féliciter. Je débute sur unblog, et même si nous ne sommes pas d’accord sur beaucoup de films (vraiment pas ;o), je trouve que ton site est très bien fichu, d’autant que j’aime beaucoup ton style. Continues-donc comme ça, c’est sympa d’avoir des « modèles » !
Comme tu le sais déjà, je ne suis pas du tout d’accord avec toi ! « Masturbation intellectuelle », soit, mais dans le genre c’est super bien foutu. Et puis si le film se découpe en scènettes (surtout au début), le fait de les énumérer de façon successive ne me paraît pas très juste, car elles forment quand même un ensemble, et il y a une progression réelle dans le film. Le début est plus une présentation du personnage (et de la situation du monde) avec son côté un brin schizo, la suite (quand on quitte définitivement sa voiture) va se pencher sur la chute du personnage (et du monde) et l’extériorisation de sa folie. Par ailleurs, je ne trouve pas cette adaptation paresseuse. Il y a un vrai parti-pris de la part de Cronenberg, d’une part en respectant le texte de DeLillo, d’autre part par une mise en scène recherchée. Je comprends tout à fait qu’on n’adhère pas à l’univers, qui encourage c’est vrai l’hermétisme (surtout par son perso principal) et l’ennui, mais il y a un indéniable travail cinématographique dans cette œuvre.
Abscons et masturbation intellectuelle, je suis d’accord avec toi. Après moi Pattinson ne m’a pas convaincu, mais Amalric plus. Sinon je te conseille vivement Videodrome ou Faux semblants pour connaître un peu mieux Cronenberg et son oeuvre.
[…] un Cosmopolis immergé dans le très nihiliste microcosme de la finance, David Cronenberg s’attelle à un […]