BANDERSNATCH
La ficheRéalisé par David Slade – Avec Fionn Whitehead, Will Poulter
Etats-Unis – Thriller, anticipation – Sortie (Netflix) : 28 déc. 2018 – Durée : 95 min
Synopsis : En 1984, un jeune programmeur remet en question la notion de réalité en adaptant un roman fantastique en jeu vidéo. Une histoire hallucinante aux multiples dénouements.
La critique du film
Netflix n’aura pas cessé d’interroger sur notre façon de consommer le cinéma en 2018. Après les débats houleux questionnant sans cesse la possible de mort de la salle de cinéma, la plateforme de streaming a crée la surprise en dévoilant Bandersnatch, épisode spécial de l’anthologie Black Mirror réalisé par David Slade.
Le concept a de quoi attiser la curiosité. Vendu comme un film interactif, puisant ses sources dans les livres « dont vous êtes le héros » qui pullulaient dans les années 80, Bandersnatch promet à son spectateur de n’être plus passif, mais acteur véritable de son histoire. Et « l’innovation » a de quoi séduire : Netflix offre la possibilité d’explorer pas moins de 5 heures de film, menant à des fins multiples en fonction des choix de son spectateur. Et au final, qu’est ce que ça vaut vraiment ?
Le film dont vous êtes le héros
On ne pourra pas retirer à Bandersnatch son côté divertissant. Il y a cet attrait ludique pas déplaisant à mener son personnage, Black Mirror oblige, dans des situations souvent malsaines. La fluidité des choix est, quant à elle, plutôt surprenante car évitant des temps morts qui auraient pu s’avérer gênants. Mais c’est à peu près tout ce qu’on en tirera de positif.
Une fois le plaisir sadique satisfait, Bandersnatch dégage un goût amer de frustration. Soyons francs : l’ensemble relève surtout d’un coup de communication plutôt habile. Impossible de visionner le film sans abonnement. La popularité de Black Mirror n’étant plus à prouver, une telle annonce ne pouvait que susciter l’engouement. Une réussite pour la plateforme qui aura à nouveau réussi à faire parler d’elle.
Game Over
Déjà cinématographiquement, le film se cache derrière son concept « innovant » pour pallier son manque de ressources scénaristiques. Malgré ses nombreuses fins, le film est d’une banalité affligeante. Tout n’est finalement que prétexte à justifier l’interactivité, quitte à délaisser tout ressort narratif. Le problème de Bandersnatch tient du fait que la multiplicité des choix amènent trop souvent à des impasses, sorte de game over qui annulent complètement les choix précédents. Le film tombe alors régulièrement dans le désuet et pénible trope du « tout n’était qu’un rêve » : rares sont les choix qui impactent véritablement le scénario. Retour à la case départ donc, avec l’obligation de faire le bon choix.
Sous son apparente révolution, terme purement marketing parce qu’il est loin d’en être, Bandersnatch est un échec. Incapable d’exploiter pleinement son concept et de proposer de véritables dénouements scénaristiques, le film ressemble un vaste gâchis. Le concept avait déjà fait ses preuves bien avant : Late Shift, sorti discrètement deux ans plus tôt, était bien plus abouti dans sa forme. Chaque choix possède un véritable impact sur le scénario, qui offre plusieurs lignes scénaristiques sans retour en arrière possible, ce qui le rend davantage stimulant. On devra alors éventuellement se réjouir de voir enfin une audience plus large accéder à des fictions non-linéaires, qui existent déjà depuis un certain temps dans de nombreux jeux vidéos tel qu’Heavy Rain ou Until Dawn. Un tel succès peut laisser entrevoir l’émergence d’œuvres plus abouties dans le futur. C’est en tout cas ce que l’on est en droit d’espérer.