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SPIDER-MAN : NEW GENERATION

La fiche

Réalisé par B. Persichetti, P. Ramsey, R. Rothman
Etats-Unis – Animation – Sortie : 12 déc. 2018 – Durée : 117 min

Synopsis : Les aventures de Miles Morales, un adolescent afro-américain et portoricain qui vit à Brooklyn et s’efforce de s’intégrer dans son nouveau collège à Manhattan. Mais la vie de Miles se complique quand il se fait mordre par une araignée radioactive et se découvre des super-pouvoirs : il est désormais capable d’empoisonner ses adversaires, de se camoufler, de coller littéralement aux murs et aux plafonds ; son ouïe est démultipliée…

La critique du film

Il y a maintenant quatorze ans sortait Spider-Man 2. Depuis, la vie commune entre Sony et l’Homme-Araignée a été faite de bas (les deux opus de The Amazing Spider-Man) et de très bas (Venom). On ajoute à ce bilan peu glorieux la gestion calamiteuse de la licence par le studio, avec un Sam Raimi laissé sur le bord de la route sans ménagement avec un épisode tronqué et un autre annulé (plus une nouvelle trilogie tombée à l’eau), Andrew Garfield et Emma Stone sacrifiés dans des films sans saveur et une difficulté globale à savoir quoi faire avec ce super-héros que le concurrent Disney voudrait bien intégrer dans son écurie florissante. Le rapprochement entre Sony et Marvel conclu en 2016 avec l’envoi de Peter Parker au sein du MCU sous les traits de Tom Holland (via le peu convainquant Homecoming) et le développement en contrepartie d’un Spider-Verse avec Venom en tête de gondole auraient pu laisser craindre que Sony n’ait appris de ses erreurs d’un point de vue créatif (le portefeuille se portant bien). Spider-Man : New generation rappelle à qui l’avait oublié que le cinéma est parfois une industrie fort étrange.

Spider-Man : New generation déroute lors des premières minutes. Il faut un petit moment pour s’habituer à cette animation en apparence heurtée, à ce design anguleux et au grain de l’image pouvant passer pour grossier. Mais une fois que Miles marche dans les rues de New-York, seules subsistent la fluidité de l’animation et la qualité de la mise en scène. Les studios animés de Sony dirigés par Peter Ramsey ont fait un travail remarquable pour créer un monde jeune, vivant et coloré, qui émerveille par moments (en se permettant quelques touches d’expérimentation dans le choix des couleurs). La mise en scène est impeccable, variant ses effets pour éviter de se répéter tout en donnant au spectateur des plans déments et jonglant habilement entre les scènes comiques, les séquences d’action plus rythmées mais lisibles et les moments plus intimistes et dramatiques. Le tout en conservant un grain d’image typique des comics des années 60 et 70 qui s’accorde parfaitement avec le dessin.

Racines et modernité

Cette alliance entre modernité et racine est aussi au coeur du fond du film, que ce soit dans son histoire et ses thèmes. En choisissant de prendre du recul sur le personnage de Spider-Man, Phil Lord a évité de tomber dans les travers des films de super-héros en mettant en scène une origin story classique de plus. Miles Morales n’est pas un Peter Parker bis qui ne ferait qu’enfiler son costume et taper des méchants peu mémorables ; il existe en tant que tel, par ses origines, ses envies et ses peurs adolescentes. Et le film est suffisamment malin pour réintroduire le costume du super-héros par ses yeux. Oui, il peut devenir Spider-Man ; mais il devra forcément composer avec les sacrifices qui iront avec et sans perdre de vue qu’il ne peut pas tout régler (ce qui le différencie fondamentalement de Fisk malgré leurs points communs). On voit Miles grandir, apprendre à utiliser ses pouvoirs, être perdu, tâtonner avant de se maîtriser. On le voit douter, souffrir, rire, blaguer, pleurer. Miles est humain ; et c’est sans doute la plus grande réussite du film : être parvenu à rendre ce personnage crédible et touchant en tant que Miles Morales et lui souhaiter de réussir dans son entreprise.

Spider-man : New generation
Dans le même état d’esprit, les références à la licence et au genre super-héroïque en général auraient pu créer une couche de meta forcée qui existe maintenant dans tous les films du genre depuis une dizaine d’années et dont le pire représentant est Deadpool. Petit miracle, l’équilibre trouvé ici est parfait, entre références glissées au détour d’un écran de téléphone ou d’une page de comics, d’un plan qui reproduit des séquences chéries de notre adolescence ou d’une séquence qui résume ironiquement les genèses des différents Spider-Man existants. New Generation évoque des souvenirs de la trilogie de Raimi sans en être une suite directe ; il cite les comics sans en être prisonnier.

L’apport des différentes itérations du personnage qui apparaissent est là aussi pertinent ; loin d’être des personnages-fonctions, elles accompagnent Miles, le rudoient parfois mais tous et toutes existent en tant que tels, avec leurs personnalités propres, leurs désirs et leurs failles (Peter B. Parker et sa perte de repères pour ne citer qu’un exemple). Comme pour Miles, on s’attache à eux, même pour les versions plus confidentielles pour le commun des mortels, comme Peni Parker ou Spider-Man Noir. Il en va de même pour les antagonistes de cette fine équipe : du Dr. Octopus réinventé en femme au Kingpin, qui, si il n’a pas un design réussi – celui du Fisk de Mazzucchelli pour Daredevil: Born Again aurait peut-être été plus adapté ici – a au moins le mérite d’être bien écrit, complexe et d’être charismatique en diable grâce à la voix de Liev Schreiber.

Seul le combat final, un peu trop psychédélique, tirant trop en longueur et ponctuellement fouillis, peut être considéré comme un défaut majeur et gênant. Mais New Generation est si entraînant, son casting vocal si bon – les voix de Mahershala Ali et de Shameik Moore sont excellentes là où Jake Johnson joue à fond sur l’ironie douce-amère et où Kathryn Hahn se fait plaisir en Dr. Octopus – et ses plans et couleurs si inspirés que l’on ne souhaite qu’une chose : le revoir, encore et encore.

Pour toute personne ayant vu la trilogie Spider-Man de Raimi à l’époque de leur sortie, New generation sera une sublime Madeleine de Proust, en plus d’apporter une vraie plus-value à la licence. Pour les autres, l’émotion sera peut-être moins présente, mais il sera difficile de ne pas sortir du cinéma avec le sourire aux lèvres et l’envie de se balader d’immeuble et immeuble en tissant sa propre toile. Qui a dit que le genre super-héroïque ne pouvait plus faire rêver ?



La bande-annonce