AN ELEPHANT SITTING STILL
La ficheRéalisé par Hu Bo – Avec Yuchang Peng, Yu Zhang, Uvin Wang
Chine – Drame – Sortie : 9 janvier 2019 – Durée : 230 min
Synopsis : Au nord de la Chine, une vaste ville post-industrielle et pourtant vide, plongée dans un brouillard perpétuel qui semble piéger ses habitants. Un matin, une simple altercation entre deux adolescents dans un lycée dégénère et va souder les destins de quatre individus brisés par l’égoïsme familial et la violence sociale. Une obsession commune les unit : fuir vers la ville de Manzhouli. On raconte que, là-bas, un éléphant de cirque reste assis toute la journée, immobile…
La critique du film
Le premier et dernier film d’un génie tant regretté. Hu Bo, romancier et cinéaste chinois adulé par Bela Tarr, s’est donné la mort en octobre 2017, tout juste après la post-production de ce qui demeurera son unique film. Avant de partir, il a laissé une empreinte, indélébile, monumentale et tragique. An Elephant Sitting Still n’est sûrement pas un film à prendre à la légère. Il y a de ces oeuvres, si personnelles et sensibles, qu’elles en deviennent presque inconfortables, voire bouleversantes ; tant le spectateur est immédiatement absorbé par l’intrigue et ses personnages. Fresque de près de 4 heures – ce qui n’est forcément pas aisé à vivre -, cette expérience figure certainement au peloton de tête des plus beaux paysages mentaux que le cinéma ait pu offrir…
Tous les chemins mènent à Manzhouli
Dans la brume, perpétuelle, de l’urbanisme chinois, se débattent quatre protagonistes, en quête d’oxygène et de renouveau. On dit qu’au loin, dans la région de Manzhouli, un éléphant capte particulièrement l’attention. Tous rêvent d’y aller, quelqu’en soit le prix. Dans ce postulat de base, le film de Hu Bo se déploie majestueusement mais de manière cryptique ; en alternant les moments contemplatifs aux déchirures familiales, drames scolaires et règlements de compte. Et tout cela, en une journée.
Baigné dans une esthétique épurée et lavée de ses couleurs, cette course contre-la-montre fait un plongeon dans la névrose contemporaine, polluée par la corruption, l’enfermement et la frustration sociale. Les acteurs, filmés dans la majeur partie du temps de très près (le film ne se permet qu’un plan large, magnifique, mais on ne peut vous en dire plus), subissent comme ceux qu’ils incarnent, une (dé)pression. Ils sont prisonniers de la caméra, qui les poursuit en plan-séquence et qui arrive, sans une seule fausse note, à capter l’émotion la plus tangible.
C’est avec passion que l’on suit ces destins liés malgré eux. Le temps est alors suspendu, en dépit d’un ciel gris de plus en plus pesant. La nuit approche et chacun devra assumer les conséquences de ses actes, trouver sa place pour se préparer à affronter l’inévitable ; une nouvelle journée. Mais d’abord, An Elephant Sitting Still tient ses promesses, en invitant le spectateur à découvrir ce qui se cache au bout de la nuit. Ce dont les personnages et nous fantasmons depuis le début. C’est au son d’un rugissement d’éléphant que tout pourrait finir par se résoudre…