LAURENCE ANYWAYS
Le jour de son trentième anniversaire, Laurence, qui est très amoureux de Fred, révèle à celle-ci, après d’abstruses circonlocutions, son désir de devenir une femme.
Être une femme
Laurence Anyways, c’est l’histoire d’un amour impossible. L’histoire de deux âmes soeurs qui ne peuvent s’accomplir parce que l’un des deux êtres est né dans la mauvaise enveloppe corporelle. Laurence, prénom unisexe traduisant l’ambivalence de l’identité du personnage, réalise progressivement ce qu’il a toujours su au fond de lui : il ne se sent pas homme. Il veut devenir une femme. Pourtant cela ne remet en rien en question l’amour intense qu’il porte à Fred, sa compagne, ou même ses attirances sexuelles. Pendant presque de 160 minutes, on va suivre cette histoire sur plusieurs années, celle d’un homme qui veut s’affirmer comme une femme et celle d’une femme éperdument amoureuse qui s’efforce de l’aimer et de l’aider à s’accomplir quitte à mettre en péril leur amour.
Pendant plus de deux heures et demi, on suit les déchirements et multiples revirements d’un couple aux prises avec une profonde transformation identitaire. Ce couple est formé de deux acteurs talentueux. Melvil Poupaud, que beaucoup avait découvert dans Le temps qui reste de François Ozon, est plutôt bon dans son rôle de transsexuel en devenir mais sa performance se fait complètement éclipser par la sublime Suzanne Clément – déjà remarquable et remarquée dans le premier Dolan – qui livre ici une interprétation absolument bouleversante. [NB : en fait, c’est ELLE l’actrice de ce mois de Juillet]. Son prix d’interprétation à La Semaine de la Critique est on n’peut plus mérité. Monia Chokri, vue elle aussi dans Les Amours Imaginaires, et Nathalie Baye, qu’on ne présente plus, tirent aussi habilement leur épingle du jeu dans les rôles secondaires.
Xavier Dolan ne fait pas l’unanimité (pourquoi d’ailleurs ne figurait-il pas en sélection à Cannes ?) pourtant tout le monde lui loue un certain savoir-faire. Cinéaste sans concession, il ne peut pas plaire pas à tout le monde – il devrait, quand on voit son superbe premier film J’ai tué ma mère – et son ton ainsi que son style peuvent déranger ou agacer. Le québécois se laisse certes parfois emporter par ses envolées lyriques et ses effets stylistiques (ou dans un récit un peu trop lent) mais lorsqu’ils sont aussi éblouissants que dans ses précédents films et dans ce Laurence Anyways – le bal costumé bordel ! – c’est tellement jouissif qu’on en prend plein les yeux et les oreilles. Du génie à l’état pur. On est hypnotisé par ce déluge sensoriel de sons et d’images. Le gamin a définitivement du goût et, à l’instar d’un Nicolas Winding Refn, il ne se trompe quasiment jamais dans ses choix musicaux, même lorsqu’il ose le kitch ou le démodé. Mais cela ne s’arrête pas là avec des choix de lumières, de couleurs, de cadrages, de décors, de costumes, qui immergent un peu plus encore dans son univers pour peu qu’on se laisse emporter.
On reprochera en revanche au cinéaste canadien quelques longueurs et quelques maladresses. Presque 2h40 de film, c’est beaucoup (trop). Xavier Dolan se justifie en prétextant qu’il faut parfois du temps pour que les choses s’ancrent en nous, qu’on les assimile et les ressentent. Tout le monde ne sera pas conquis. D’ailleurs à Cannes le film a énormément divisé entre ceux qui sont tombés en admiration et ceux qui ont tout simplement détesté. Pourtant, même si le réalisateur ne fait pas dans la mesure, on peut en tant qu’observateur en faire preuve et avec un peu de nuance – même si l’on regrettera quelques défauts de jeunesse et quelques excès d’arrogance – reconnaître un artiste qui compte et s’incliner devant une sensibilité romantique et artistique absolument époustouflante, un sens de la réplique incontestable, une direction d’acteurs impressionnante .
Laurence Anyways, un film fleuve, amibitieux et ample à découvrir, un voyage initiatique bouleversant porté par un Melvil Poupaud convaincant et une Suzanne Clément absolument magnifique, une oeuvre qui respire l’amour du cinéma.
Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus, Le Passeur Critique a réalisé une petite interview de Xavier Dolan.
XAVIER DOLAN | CANADA | 159 MIN | 18 JUILLET 2012 | MELVIL POUPAUD, SUZANNE CLÉMENT, NATHALIE BAYE |
Ah mais tu l’as vu en avant- première? Ta critique me donne encore plus de le voir. Quant à Suzanne Clément, rien que dans la bande- annonce, elle file des frissons.
En effet, 2h40 parait être une durée vraiment trop importante. A lire ta conclusion, cela n’empêche le film d’être convaincant. J’attends sa sortie en salle avec impatience, donc !
Les longueurs avec les jours qui passent je les oublie et je n’en garde que le souvenir d’un beau et dense long-métrage, avec de belles émotions, une actrice remarquable et des fulgurances stylistiques toujours aussi appréciables.
Et Moderat quoi. Et Fever Ray.
Pour moi, 2h40 de Xavier Dolan ça me parait pas si fleuve que ça, il pourrait faire des films de 5h que je prendrais mon pied.
S’il se débarrassait du passage avec les 5 queers (vraiment de trop pour moi), je pourrais le regarder en boucle. Tout comme ses deux précédents.
Les 2h40 m’ont paru passer en 1h30 tellement le film est riche, bordélique, superbe et passionnant. Dolan a vraiment un style (on aime ou on aime pas, pour ma part j’adore), il me fait penser à Almodovar époque Movida où le réalisateur osait tout et mélangeait le kitsch à l’émotion pure. Comme Almodovar encore, j’imagine Dolan dans dix ans réaliser des films enfin complètement aboutis, en espérant par contre qu’il ne tombera pas dans l’élégance bourgeoise des derniers films de l’ibère.
Un film dense, stylisé, riche, touchant. De très belles choses, beaucoup de sentiments bruts, de l’émotion, de la sensibilité. Quelques excès aussi. Espérons qu’il trouve sa place pendant l’été au milieu des grosses productions.
Tu as lancé le mot : jouissif. J’ai été peut-être encore plus conquis que toi, ne me suis pas ennuyé une seconde. J’ai trouvé les passages avec les 5 queers à la fois drôles et émouvants, et cette scène de bal est extraordinaire.
Je ne lis pas ton article pour garder la surprise car, à découvrir grâce à tes pages les images du film, surprise il y a aura.
J’attends plutôt avec enthousiasme ce film car « Les amours imaginaires » m’avait enchanté.
Franchement je pense retourner le voir, juste pour le plaisir des yeux et des oreilles. Encore faudra t’il trouver 3h de mon temps.
Et Fade to Grey 🙂
Oui je me souviens de ta critique. Avais-tu vu son premier film depuis ?
Je ne t’en dis pas plus et te laisse découvrir le film. Régale toi bien 🙂
Bonjour Wilyrah, je sais que ce n’est pas une excuse mais 2h50 sur un tel sujet, cela ne me tente pas. Mais je suis sûre que c’est très bien. Bonne après-midi.
Hey, alors ce concours ça a été? tu as eu tes résultats?
Je suis de retour, je n’ai pas vu beaucoup de films depuis le mois le mai (8 au total),
mais je vais essayer de me rattraper avec la flopée de films intéressants qui arrivent, dont celui de Dolan. Même si ses prétentions m’agacent toujours un peu …
Dolan est détesté pour les mêmes raisons qui font que les autres l’adorent. Et c’est très bien comme ça. Je suis d’accord avec ce que tu dis du film et avec la comparaison qu’établit mymp avec Almodovar. Cependant, je suis sûr qu’il fera ses meilleurs films avant ses 30 ans et je redoute qu’il s’embourgeoise avec le temps…
Oui cela peut être un risque. Pour l’instant, il a la fougue et la passion. Cela peut parfois poser problème car on ressent surtout dans ce film qu’il n’arrive pas trop à faire de concessions, il veut tout mettre et pour moi L.A aurait gagné à être un peu plus court. Toutefois, sa mise en scène, sa force émotionnelle et poétique, ses effets stylistiques me plaisent bcp et c’est un régal.
Il y a du bon et du moins bon en ce mois de Juillet, j’espère que tu feras les bons choix pour ce dernier été avant les choses sérieuses 🙂
2h30 sans le générique, n’exagérons pas ^^
J’ai beaucoup aimé mais malgré le talent indéniable du jeune réalisateur j’ai trouvé que la durée fleuve était difficile à gérer et surtout ça reste son film le plus accessible, comme si il voulait se faire aimer un peu plus par une certaine catégorie de gens réfractaire au côté hautain présomptueux que lui confère son âge. 3/4, c’est un très bon film mais je lui préfère « Les amours imaginaires ».
Je suis d’accord, quelques coupures n’auraient pas fait de mal et m’auraient permis de l’apprécier davantage 🙂 Mon préféré reste J’AI TUE MA MÈRE.
Ce passage prend 10 minutes du film à tout casser et est fort en symbole, ça m’a pas semblé de trop. Le seul défaut du film c’est la musique des 80s, il aurait utilisé de la vraie musique, ça n’aurait choqué personne et rendu le film bien meilleur.
La musique ne m’a pas gêné, au contraire 😉
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