CANNES 2019 | Jour 12 : En attendant le palmarès
Jour 12 : En attendant le palmarès
Ce samedi 25 mai, le 72e festival de Cannes livrera son verdict avec un palmarès très attendu suite à une édition remarquable de qualité. S’il sera très difficile de départager gros morceaux de cinéma (Une vie cachée de Malick, Once upon a time… de Tarantino), parfois assez radicaux (le Intermezzo de Kechiche), et des œuvres fortes et poignantes (Portrait de la jeune fille en feu de Sciamma, Douleur et gloire de Almodovar), nos deux chroniqueurs accrédités se sont prêtés au très subjectif jeu des pronostics, avec un choix unanime pour la Palme d’Or.
Cette ultime journée sur la Croisette sera l’occasion pour les équipes de Sybil et It must be heaven de revenir sur les présentations de la veille, avant la cérémonie de clôture en début de soirée. Celle-ci sera suivie de la présentation du nouveau film du tandem Toledano/Nakache, Hors normes, que nous ne manquerons pas de chroniquer dès dimanche.
Jour 11 : Stallone et Sybil pour finir
La dernière journée de compétition a été majoritairement marquée par la polémique ayant entouré la présentation de Mektoub, my love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche, très décrié par certains observateurs reprochant à son auteur sa radicalité que d’aucuns jugeront comme une posture, ou pire, un prétexte à filmer les courbes et détails anatomiques de ses comédiennes. Florent Boutet pense qu’on n’a certainement pas fini de se battre sur le film : « La radicalité de l’expérience Mektoub intermezzo surprend. Inédit, sensoriel, extravagant. La scène de sexe la plus incroyable jamais vue. »
Pourtant, deux derniers films venaient refermer la page de cette 72e édition cannoise, et pas des plus désagréables. Il y a d’abord eu It must be heaven d’Elio Suleiman, montré dans l’après-midi à des festivaliers un peu rincés par la dizaine de jours de compét. Pas toujours un atout d’être montré sur la fin, à moins d’envoyer du lourd. Il n’en demeure pas moins que le film a séduit notre envoyé-spécial Florent Boutet, pour sa drôlerie et sa tendresse : « Finir sur cet humour léger et intelligent porteur d’espoir et de bienveillance signe un épilogue merveilleux à un festival qui ne le fut pas moins. »
Et c’est à la française Justine Triet qu’est revenue la tâche de ponctuer la sélection avec son nouveau film Sybil, descente aux enfers d’une écrivaine/psychanalyste qui tisse un lien particulier avec une jeune comédienne. « Un film redoutablement efficace, dans les tréfonds du désir, emmené par un formidable trio d’acteurs dont l’alchimie est étincelante » pour notre envoyée-spéciale Amandine Dall’Omo.
> > > Lire aussi : notre critique du film Sybil
Enfin, à quelques mois de la sortie de Rambo V, Sylvester Stallone était honoré avec la présentation des premières images du film et une masterclass de The Sly.
Jour 10 : Kechiche au bout de la nuit
Alors qu’il avait remporté la Palme d’Or, décernée de façon unanime, avec son chef d’oeuvre La vie d’Adèle, Abdellatif Kechiche n’était pas revenu en compétition avec Mektoub, my love : Canto Uno, premier film de sa saga settoise. C’est chose faite avec le second, Intermezzo, qui était présenté à 22h au Grand Théâtre Lumière… Autant dire que l’heure n’était pas propice à remplir la grande salle, la durée imposante du long-métrage (3h30) en ayant découragé plus d’un… C’est au bout de la nuit, après trois heures d’immersion, dont une bonne partie en discothèque, que les festivaliers sont ressortis de sa projection. Notre envoyée-spéciale, Amandine Dall’Omo, en est ressortie « éreintée (…) avec l’impression d’avoir fait la fête toute la nuit » mais évoque un film rempli de contradictions, « d’une intensité sexuelle incroyable et d’un culot monstrueux ». Une expérience hors du temps, entre male gaze gênant et sexualité féminine totalement libérée.
> > > Lire aussi : notre critique du film
Plus tôt, ce sont les films Le traître de Mario Bellochio et Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, qui ont eu les honneurs d’une présentation officielle.
> > > Lire aussi : la critique de Roubaix, une lumière
Jour 9 : Xavier Dolan revient au bercail
Alors que la veille, Quentin Tarantino et ses comédiens mettaient la Croisette sans dessus dessous, c’est un autre cinéaste adoré des festivaliers qui est revenu sur les terres qui l’ont vu éclore : Xavier Dolan. En une décennie, le québécois a tissé un lien fort avec ce rendez-vous cinéphile et un public qui l’a toujours accueilli avec beaucoup de chaleur, tout en repartant régulièrement avec de jolis prix (le dernier en date, le Grand Prix pour Juste la fin du monde). Après le contrarié Ma vie avec John F. Donovan, Dolan a ressenti le besoin de revenir au bercail pour tourner un « petit » film, entouré de ses amis et collaborateurs de toujours. Et c’est fort logiquement que Thierry Frémaux a demandé au canadien de venir présenter son nouveau bébé en compétition, Matthias & Maxime.
#XavierDolan, très ému, remercie le public cannois après la projection de #MatthiasEtMaxime, en compétition à #Cannes2019. @diaphana @Festival_Cannes pic.twitter.com/moqa0jDybH
— 𝕷ᴇ 𝕭ʟᴇᴜ ᴅᴜ 𝕸ɪʀᴏɪʀ (@LeBleuduMiroir) 22 mai 2019
> > > À lire aussi : la critique de Matthias & Maxime
Plus tôt dans la journée, l’équipe de Once upon a time in Hollywood revenait, cette fois pour le photocall et la conférence de presse post-présentation, offrant un nouveau moment de glamour aux observateurs sur place. Mais Leonardo DiCaprio n’allait pas s’arrêter là puisqu’il allait apparaître par surprise lors de la présentation du documentaire Ice on fire, qu’il produit avec HBO, pour passer une tête et réaffirmer son soutien à la réalisatrice du film mais aussi aux scientifiques qui tentent d’alerter les pouvoirs publics de l’urgence climatique.
Jour 8 : La folie Tarantino, le régal Parasite
Ce mardi 21 mai, un film faisait l’événement. Ajout de dernière minute, Once upon a time in Hollywood de Quentin Tarantino a fait battre des records d’affluence en présentation officielle comme en projection presse. Avec son casting trois étoiles, le fantasque réalisateur a gravi les marches du Palais avant la projection de son très attendu nouveau film.
> > > Notre critique du film
Plus tôt dans la journée, notre envoyée-spéciale Amandine Dall’Omo découvrait Frankie, le nouveau film d’Ira Sachs, avec Isabelle Huppert. Et elle n’a pu que constater l’ampleur des dégâts devant ce qui s’apparente au plus faible film de la compétition présenté jusqu’à présent. Une erreur de casting et un énième mauvais choix pour l’actrice après les affligeants Blanche comme neige, Eva ou encore Madame Hyde
« Chaque personne semble avoir décidé de jouer le plus mal possible. Et à ce jeu là, c’est Isabelle Huppert qui gagne. »
> > > Lire aussi : notre critique du film Frankie
En sections parallèles, notre envoyé-spécial Florent Boutet a fui l’agitation en découvrant le premier film du guatémaltais César Diaz, Nuestras Madres, puis le long-métrage franco-espagnol Viendra le feu à Un certain regard.
La journée cannoise s’est conclue avec la présentation officielle du nouveau film de Bong Joon-ho, Parasite. Notre envoyée-spéciale Amandine Dall’Omo a pris un sacré plaisir devant ce « film d’arnaque sur fond de lutte des classes, qui navigue entre les genres avec une fluidité affolante. »
> > > Notre critique à venir sur Le Bleu du Miroir
Jour 7 : Et Terrence Malick est apparu…
Désormais lancé sur un rythme de production beaucoup plus soutenu, le réalisateur Terrence Malick a pu perdre en chemin certains amateurs de son cinéma de la première heure, avec un cycle d’oeuvres oniriques, déstructurées et à forte tendance biblique. Celui-ci revient quelque peu à un cinéma plus linéaire avec Une vie cachée, et « raconte l’oubli de ces combattants du bien, incarcérés, jugés et sacrifiés pour leurs convictions ». Fait exceptionnel pour cet homme qui fuit les caméras et les événements mondains, le cinéaste est apparu brièvement à l’issue de la présentation de son film au Grand Théâtre Lumière.
Précédemment, ce sont de vrais habitués du rendez-vous cannois qui ont monté les marches, entourés de leur équipe : les frères Dardenne. Les deux belges présentaient leur nouveau film social, Le jeune Ahmed. Ce portrait d’un adolescent musulman se radicalisant progressivement pour suivre les indications d’un imam manipulateur traite assez justement de ce sujet glissant d’actualité. Il semblerait pourtant que les festivaliers aient été assez mitigés quant à cette proposition et il apparaît assez peu probable de les retrouver au palmarès samedi soir.
> > > Lire aussi : la critique de Le jeune Ahmed
En séance spéciale, Gael Garcia Bernal présentait son long-métrage, Chicuarotes , fiction dans la directe lignée de Amours chiennes, film d’Inarritu (président de cette 72e édition) qui l’a révélé au monde. Malheureusement, cet essai n’est pas abouti et l’on espère retrouver le mexicain plus inspiré lors d’une prochaine réalisation.
Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs, Rebecca Zlotowski présentait son film estival avec Une fille facile, avec l’ex-escort Zahia Dehar pour ses débuts au cinéma. Si notre envoyée-spéciale Amandine Dall’Omo « salue sincèrement ce regard sur la sexualité », elle regrette toutefois qu’Une Fille Facile ne transcende jamais son sujet ». De son côté, la novice Zahia Dehar « illumine l’écran de sa présence bionique », pour un premier rôle prometteur.
> > > Lire aussi : notre critique de Une fille facile
Jour 6 : Céline Sciamma fait chavirer les cœurs
Il aura fallu de nombreuses minutes pour que nos deux envoyés-spéciaux parviennent à quitter leur siège du Palais des Festivals. Après la très longue et renversante ovation adressée à l’endroit de l’équipe du film, le retour à la réalité s’avérait compliqué. La séance qui venait d’avoir lieu a bouleversé les festivaliers et nos deux acolytes n’y ont pas coupé. Portrait de la jeune fille en fleur, premier film de Céline Sciamma en compétition à Cannes, a visé en plein cœur pour le faire palpiter très fort. Ce dimanche 19 mai devrait rester une date fondatrice pour la cinéaste française, très émue à la sortie du film. Si la compétition est décidément d’un très haut niveau cette année, on se prend déjà à espérer très fort une consécration pour Sciamma, Haenel et Merlant.
> > > Lire aussi : la critique du film Portrait de la jeune fille en feu
Plus tôt dans la journée, les festivaliers ont découvert un autre film en compétition, Les siffleurs, une proposition qui n’a pas pleinement convaincu Florent Boutet, qui suppose que le film gagnera à être découvert hors d’un contexte de festival. Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs, le Perdrix d’Erwan Le Duc n’a pas non plus suscité l’enthousiasme, tandis que Cendre noire, montré à la Semaine de la Critique, ressemblait à une expérience hypnotique assez prenante.
Le week-end s’est conclu de fort belle façon pour les festivaliers. Soirée de gala au Palais des festivals avec la présentation d’Une vie cachée de Terrence Malick, de retour dans la compétition, plusieurs années après la Palme d’Or pour The tree of life. Mais en attendant de découvrir à leur tour cette nouvelle proposition onirique lundi matin, nos deux envoyés-spéciaux ont exploré les sections parallèles, l’une à la Quinzaine, l’autre à la Semaine.
Après The witch, Robert Eggers était attendu au tournant, tant par ses admirateurs que par ceux qui étaient restés plus sceptiques malgré le potentiel évident du cinéaste. Son mystérieux The lighthouse, peut-être aussi clivant, devrait à nouveau susciter des réactions contrastées auprès des cinéphiles. La presse d’ailleurs semble véritablement partagée. Amandine Dall’Omo a été séduite par cette proposition entre Melville et Poe, saluant au passage la prestation démentielle du tandem Willem Dafoe / Robert Pattinson, tous deux présents au théâtre Croisette pour lancer le film.
Du côté de Miramar, la comédienne Hafsia Herzi présentait son premier film en tant que réalisatrice. Après Sara Forestier, c’est une autre des actrices révélées par A. Kechiche qui franchit le cap. Une entreprise qui ressemble presque au fruit du hasard si l’on en croit les propos de la principale concernée. Montée à la hâte, tournée avec peu de moyens, Tu mérites un amour est une très belle surprise qui émeut autant qu’elle fait rire, la « combinaison magique qui est la marque des plus grands ».
> > > Lire aussi : la critique de Tu mérites un amour
Jour 5 : Des oies sauvages et des foulards verts
Durant la cinquième journée (toujours sous la pluie !) sur la Croisette, un murmure commençait à monter : et si Pedro Almodovar décrochait enfin la Palme d’Or ? Jamais récompensé, il pourrait enfin être sacré par le plus grand festival du monde grâce à son film infiniment personnel, Douleur et gloire. À la rédaction, le long-métrage fait pour l’instant un tabac et semble cocher toutes les cases. Le jury en décidera-t-il autrement ? De gros candidats devrait débarquer en deuxième semaine et mettre à mal la destinée de l’espagnol.
Le chinois Diao Yinan pourrait bien jouer les challengers avec son thriller violent et minimaliste, Le lac aux oies sauvages. S’il n’a pas suscité une adhésion complète à la rédaction, Florent Boutet lui reprochant son côté brouillon et « sa scène de viol traitée comme une anecdote », il a en revanche impressionné pour sa mise en scène, prix pour lequel il pourrait bien prétendre au palmarès final d’après Amandine Dall’Omo.
> > > Lire aussi : notre critique de Le lac aux oies sauvages
Le samedi étant devenu une journée de manifestation, y compris à Cannes, les marches ont eu droit, ce 18 mai, à une marée verte pour la présentation du documentaire QUE SEA LEY (Que ce soit la loi) de Juan Solanas, illustrant le combat des femmes argentines pour le droit à l’avortement. Alors que certains américains ont fait de ce droit fondamental un crime, enfonçant un peu plus le pays de l’Oncle Sam dans la bêtise, la présentation d’un tel long-métrage était l’occasion de rappeler au monde une évidence : les femmes doivent disposer de leur corps comme bon leur semble. Alors qu’une femme meurt toutes les 9 minutes d’un avortement clandestin, Que sea ley est un appel à (enfin) légiférer sur l’avortement dans le pays sud-américain.
La journée s’est conclue de fort belle façon avec la présentation du film Port Authority, avec à la clé une présentation assez inoubliable selon Florent Boutet, follement sidéré quand l’un des acteurs est monté sur scène en plein début de générique, lumière éteinte, pour danser comme si sa vie en dépendait.
> > > Lire aussi : notre critique de Port authority
Jour 4 : Almodovar et Elton John à l’honneur
Quatrième journée sur la Croisette et de glorieux invités ont foulé les marches du Grand Palais. Après la troupe de Ken Loach hier, une autre équipe britannique qui s’était présentée sur le red carpet, pour une avant-première de gala cette fois-ci : Rocketman. Après le triomphe du pourtant médiocre Bohemian Rhapsody, on ne pouvait que craindre un nouveau biopic sans âme et aseptisé, invisibilisant l’orientation sexuelle de l’artiste, pour mieux surfer sur le mood « karaoké » et feel-good. Heureusement, Dexter Fletcher semble avoir tiré les leçons de son précédent essai et livre une comédie musicale assez plaisante et moins superficielle qu’il n’y parait.
> > > Lire aussi : notre critique du film Rocketman
La compétition s’est poursuivie, dans les différentes sections, et Little Joe, de l’autrichienne Jessica Hausner, était proposé aux festivaliers du palais. L’occasion de voir la belle et talentueuse Emily Beecham (révélation géniale de Daphné) gravir les marches en compagnie de sa metteuse en scène. À l’issue de la projection, le ressenti général est mitigé et notre envoyé-spécial, Florent Boutet, vante quelques mérites tout en regrettant que le film s’avère finalement « trop frileux dans le déploiement de son second acte qui aurait mérité plus fulgurances et d’audace ».
> > > Lire aussi : notre critique du film Little Joe
Ce fut ensuite au tour de Pedro Almodovar de revenir sous les flashs, accompagné de ses compères de longues dates (Antonio Banderas, Penelope Cruz…), pour la présentation de Douleur et gloire, son dernier long-métrage en date, plus autobiographique que jamais.
Resté sur Paris, mais toujours prompt à découvrir une nouvelle oeuvre du cinéaste espagnol, notre collègue Julien Vallet a été complètement charmé par cette proposition très personnelle : « Douleur et gloire marque un tournant, un aboutissement dans la carrière du réalisateur espagnol qui, après avoir délaissé les fanfreluches flamboyantes de ses films de jeunesse, s’aventure avec délicatesse sur le chemin de l’intime. » Et Robin Souriau renchérit : « Sûr de ces forces et conscient de ses faiblesses, le dernier Almodovar m’a séduit par la place qu’il laisse au spectateur, dans le temps et l’espace, au jugement de ses personnages. Un procédé humble et courageux, clef de l’empathie qu’il dégage ».
> > > Lire aussi : notre critique de Douleur et gloire
Enfin, en section parallèle et en séance spéciale, Papicha et La cordillère des songes ont emballé notre chroniqueur. Le film de Mounia Meddour sonne comme « un cri de rage contre l’obscurantisme qui a menacé d’engloutir ce grand pays qu’est l’Algérie et qui le menace encore à chaque soubresaut du régime policier qui l’enserre », tandis que le nouveau long-métrage de Patricio Guzman « rappelle que l’histoire d’un pays ne peut être niée tant qu’il existe des preuves de celle-ci ».
Avant d’aller dormir, certains cinéphiles impatients ont même pu découvrir deux épisodes de la série de Nicolas Winding Refn, Too old to die young, en séance tardive. Un aperçu qui sonne comme un choix étrange, compliquant le regard critique… « En sortant de cette apnée de presque 2h30, force est de constater que le scénario demeure encore trouble » selon Amandine Dall’Omo.
Jour 3 : Ken Loach frappe encore fort
Le troisième jour de festival a débuté avec une attente déçue : celle de Kleber Mendonça Filho & Juliano Dornelles, pas forcément à la hauteur des promesses de leur Bacurau, présenté en compétition officielle, malgré sa dimension militante et revendicative. Heureusement, la lumière est arrivée d’une nouvelle venue au Grand Palais, Mati Diop. Avec son Atlantique, elle a produit son petit effet auprès des festivaliers et particulièrement séduit notre envoyé-spécial, Florent Boutet, qui y voit déjà « une œuvre somme qui déploie ses ailes avec une grâce confondante ». De là à lui envisager une place au palmarès, il n’y a qu’un pas, qu’il franchit aisément.
Tandis que du côté de la Semaine de la Critique, un petit film islandais (A white white day) ne faisait pas sensation, Zabou Breitman présentait Les hirondelles de Kaboul, entourée de son co-réalisateur et des comédiennes Zita Hanrot et Hiam Abbass.
La journée cannoise s’est poursuivie avec l’avant-première mondiale du biopic consacré à Elton John, Rocketman (critique à venir sur LBDM). L’immense pop-star était d’ailleurs conviée pour l’événement où il a pu arborer, comme à son habitude, ses fameuses tenues exubérantes, du photocall au tapis rouge.
Mais le véritable moment phare de la journée était le retour en compétition d’un des cinéastes les plus honorés du festival : Ken Loach. Toujours en forme, et prêt à défendre les sacrifiés du libéralisme, le britannique a proposé avec Sorry, we missed you un nouvel uppercut salvateur. Bras en écharpe ou pas, l’octogénaire a toujours le poing levé et continue de placer l’humain au coeur de son oeuvre.
> > > Lire aussi : notre critique du film de Ken Loach
Jour 2 : Toute(s) première(s) fois
La deuxième journée cannoise fut celle des premiers battements de cœur et des premiers frissons. D’abord avec Le miracle du Saint Inconnu, présenté à la Semaine de la Critique. Un premier film hybride et attachant, qui touche juste et en plein cœur à de nombreuses reprises, par le Marocain Alaa Eddine Aljem (lire notre interview).
Mais les premiers instants dans la compétition officielle ont été particulièrement marquants avec la présentation de Les misérables, premier long-métrage de Ladj Ly, membre du collectif Kourtrajmé. Notre envoyé-spécial, Florent Boutet, ne tarit pas d’éloges : « un exposé qui s’il est sublime sur la forme, impressionne encore plus sur le fond ». Clairement, après son documentaire du même nom, Ladj Ly dresse un état des lieux d’une grande intelligence et « fait vivre formellement de grands moments de cinéma, jouant du huis clos comme de la course poursuite dans les espaces de la cité avec un grand talent, presque du jamais-vu dans le cinéma français ». L’accueil des festivaliers ayant été excellent, il ne serait désormais pas surprenant de miser dès à présent sur une place au palmarès.
Enfin, le double événement majeur du jour avait lieu à la Quinzaine. Dans la journée, le réalisateur John Carpenter était à l’honneur. En effet, le maître de l’horreur recevait le Carrosse d’Or. L’occasion de revenir sur sa flamboyante carrière et d’évoquer ses amours de toujours : les monstres.
« Quand j’étais petit, j’adorais les films de monstres. Et j’ai en ai donc réalisé plus tard. Malheureusement aujourd’hui on ne voit plus tellement de films de monstres, mais des films de super-héros. »
Et c’est Quentin Dupieux, accompagné de Jean Dujardin et Adèle Haenel, qui ont ouvert la sélection parallèle avec le très attendu Le daim. Nouveau rejeton sorti de l’esprit fêlé de son génial créateur, Le daim ouvre un boulevard à Jean Dujardin, entre rire(s) et malaise(s). Notre envoyée-spéciale, Amandine Dall’Omo loue d’ailleurs le « style de malade » avec lequel le DJ-cinéaste pousse sa mise en abîme. Portée par l’alchimie lunaire du duo Dujardin-Haenel, la comédie a plutôt séduit les festivaliers en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs.
Jour 1 : Les morts ne meurent jamais
La première image aura été pour Agnès. Agnès V. Agnès Varda. La réalisatrice, présente sur les marches l’année dernière pour réclamer une meilleure exposition des femmes de cinéma, nous a quittés et la cérémonie du premier festival de Cannes sans elle ne pouvait débuter sans lui rendre hommage – comme la belle affiche officielle – pour la rendre un peu plus éternelle.
Edouard Baer a ensuite remis en marche la machine à paroles pour une nouvelle présentation très satisfaisante, avec quelques pics bien senties à l’endroit de Netflix quand il a fallu évoquer le bonheur de la découverte collective d’un film. Avec l’aval du président du jury de ce 72e festival de Cannes, Alejandro González Iñárritu (Birdman, The revenant…), ce sont deux comédiens qu’il a dirigés, Javier Bardem et Charlotte Gainsbourg, qui ont lancé officiellement cette édition 2019.
Et pour l’ouverture, Thierry Frémaux et son équipe avaient coché la case « cinéma de genre » avec The dead don’t die de Jim Jarmusch. Malheureusement, cette prometteuse accrocheuse de début de festival a été suivie d’une douche froide, tant les festivaliers n’ont visiblement que peu goûté l’aventure zombiesque de Jarmusch.
Même constat à la rédaction où le film a suscité une véritable déception. Tandis qu’Amandine Dall’Omo regrette la condescendance du film (« quel étrange sentiment que de voir le cinéma de genre aussi moqué »), Florent Boutet y voit « un « ego trip malaisant et grotesque (…) qui tourne à vide » et Julie Escamez se demande « si quelqu’un a trouvé un intérêt à The Dead don’t die de Jim Jarmusch ». Céline Bourdin enfonce le clou : « Jim Jarmusch plonge The dead don’t die dans un délire dépressif et meta piégé par son entre-deux tons. L’embarras est total en voyant un tel casting surjouer un scénario qui égratigne le cinéma de genre tout en rejouant une énième critique de la société de consommation. »
> > > Lire aussi : notre critique du film The dead don’t die
Un choix loin d’être payant pour lancer cette 72e édition mais la séquence avec les premiers extraits diffusés lors de la cérémonie reste l’argument principal autour des attentes légitimes de cette cuvée 2019 qui ne devrait laisser personne indifférent.