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PORT AUTHORITY

La fiche

Réalisé par Danielle Lessovitz – Avec Fionn Whitehead, Leyna Bloom…
Etats-Unis Drame – Sortie : 25 septembre 2019 – Durée : 94mn

Synopsis : Devant Port Authority, la gare routière de New York, une jolie fille nommée Wye vogue avec ses amis. Paul, un jeune homme qui vient d’arriver dans la grande ville, l’observe, fasciné. Wye fait partie de la scène du « ballroom », communauté queer adepte du voguing. Alors que leur amour grandit, Paul découvre que Wye est trans. Il est alors forcé d’affronter sa propre identité et de choisir sa véritable famille.

La critique du film

Paul a 20 ans et c’est peu dire qu’il est seul au monde. Tout juste sorti de prison, il se retrouve à la rue après le refus de sa demi-sœur de l’héberger. Sa solitude questionne d’emblée la notion de famille, de l’entraide. Si Port Autority est un lieu géographique, la gare routière de New-York City, il est également celui d’une renaissance pour ce garçon brisé. Recueilli par Lee, débrouillard tenancier d’un refuge pour sans abris, il retrouve un toit mais se crée aussi une nouvelle structure de vie. Celle-ci est très masculine, voire masculiniste, macho, sexiste, homophobe, et se nourrit du malheur des autres, le groupe évacuant des familles de leur appartement à cause de leurs dettes. En parallèle, Paul suit un danseur qui vit dans son refuge jusqu’à une soirée très spéciale où se retrouve un autre type de famille : une communauté de danseur queer, gay et trans. Wye sera sa clef d’entrée dans cet univers, mais elle est aussi la notre. Elle est celle qui permet au spectateur de pénétrer un monde fermé, où Paul n’aurait pas été le bienvenu.

Cette rencontre est le point majeur et passionnant du film, la découverte de la famille LGBTQ, composée comme un rempart contre l’hostilité du monde, est comme une épiphanie pour Paul. Si Lee était un choix par défaut pour ne pas vivre sous les ponts, la famille de Wye et son amour, est elle une évidence. Ce moment de l’histoire, tout ce qu’il raconte et donne des regrets sur l’abandon de son exploration. Les deux groupes antagonistes, leur inévitable collision, nous empêche de continuer à connaître ces danseurs surdoués, leurs codes et leur organisation pour survivre et continuer à rêver ensemble. Au contraire le film prend alors les atours d’une comédie romantique, les mensonges de Paul sont révélés, l’amour s’envole, il faut le reconquérir. Il y a une certaine frustration à voir le moment où l’histoire se perd dans cette confrontation, abandonnant de bien belles pistes tout juste énoncées.

Une couleur inimitable

Néanmoins, certaines scènes fortes et très bien dirigées demeurent intactes à l’esprit et existent au delà des espoirs placés dans le premier acte. Il est difficile d’oublier ce magnifique dialogue sur l’escalier de secours de l’appartement de Wye où elle échange ses premiers baisers avec Paul, après que celui-ci ait confessé son plus lourd fardeau. De plus, la nature même du personnage de Wye est une surprise. Sans en dévoiler plus, sa construction est un modèle, un pied de nez à une litanie de préjugés qui volent en éclats devant la beauté de ses mots et de ses engagements. L’écriture de ces nombreux personnages, magnifiquement incarnés, donne à Port Authority une couleur inimitable qu’on ne peut oublier. Son énergie et son exubérance, jusqu’à une extravagance délurée et sublime, gomme quelque peu les imperfections déjà citées.

Si Danielle Lessovitz ne va pas assez loin dans son ambition initiale, elle a le gigantesque mérite de représenter une population stigmatisée et laissée à la marge de la société, obsédée par ses normes et son regard moral. Qu’on le veuille ou non, un film comme celui-ci est important, témoin d’une époque qui vit ses différences au grand jour, dans un flot d’enthousiasme communicatif.



Compétition Deauville 2019 // Un Certain Regard au Festival de Cannes 2019