L’EXTRAORDINAIRE VOYAGE DE MARONA
Victime d’un accident, une chienne se remémore ses différents maîtres qu’elle a aimés tout au long de sa vie. Par son empathie sans faille, sa vie devient une leçon d’amour.
Critique du film
L’extraordinaire Voyage de Marona débute par un accident. Le long d’une poursuite infernale qui ouvre et clôt ce voyage, Marona gît et se remémore les mille et une couleurs qui ont traversé son existence. Du haut de ses trois vies de chien, de ses trois maîtres qui ont su lui apporter ce qu’elle nomme elle-même « le bonheur », elle nous emmène avec elle à la découverte de ses souvenirs empreints d’odeurs, de perceptions, de joies, de tristesse aussi, et d’abandon. En somme, si l’humanisme avait un nom, il s’appellerait Marona.
Posons les mots qui fâchent et affolent les marketeux du monde entier en quête d’une bonne tagline : L’extraodinaire Voyage de Marona est un film précieux. Evidemment, pour son traitement d’une générosité flamboyante qui tutoie souvent une forme de perfection baroque. Porté par l’incroyable inventivité de sa réalisatrice Anca Damian – déjà détentrice du Cristal du long métrage 2012 – et accompagné du talent de l’illustrateur Brecht Evens, Marona est un écrin sublime. Les influences fusent au rythme d’une danse qui n’en finit pas de porter notre imaginaire. On plonge dans un cubisme virevoltant qui ne s’arrête que pour mieux laisser émerger nos sentiments les plus profonds. Accepter de prendre la main d’Anca Dimian, c’est un peu comme rentrer dans un des fameux tableaux de Klimt. Les contours des formes se définissent au fur et à mesure que nos sens se perdent et que notre perception se fait multiple. Les techniques d’animation (2D, 3D, papiers découpés) s’agencent et s’entremêlent dans ce spectacle de tous les instants, pour petits et grands.
Un feu d’artifice
Pourtant jamais l’overdose ne se dresse en rempart. Au contraire, on se plait, on se surprend de jouir de chaque petite scénette, de chaque détail dans cette poésie permanente. Les idées visuelles explosent dans ce feu d’artifice d’une heure trente et on se demande déjà à peine les lumières rallumées ce que donnera le prochain visionnage, quel secret caché dans un recoin de l’image nous découvrirons. On s’amuse à s’imaginer pirates voguant en quête de ce trésor, on jouit de cette liberté virtuose qu’offre Marona. Encore et encore, on plonge dans ce monde intense où rien n’est acidulé ou mièvre, mais où tout est une explosion de teintes vives et chatoyantes qui réchauffe ce petit enfant qu’on avait parfois oublié dans un recoin de soi.
Une illumination qui s’offre toutes les libertés pour nous emporter tour à tour dans un parc luxuriant, au gré d’un chantier de construction ou dans cette maison aux murs roses. Anca Damian prend l’audace d’exister et la transforme en expérimentation continuelle qui manque souvent au format long et propose un concentré de cinéma, aux carcans narratifs et esthétiques démantelés, dont naît une beauté sans nom.
Bande-annonce
8 janvier 2020 – De Anca Damian