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LE VOYAGE DE MARTA

La fiche

Réalisé par Neus Ballús – Avec Elena Andrada, Sergi López, Diomaye A. Ngom – Comédie – Espagne – 17 juillet 2019 – 1h23

Marta, 17 ans, passe à contre cœur des vacances au Sénégal en compagnie de son père et de son petit frère. Un jour, elle ouvre une porte qui donne accès à une zone réservée aux employés de l’hôtel. Elle rencontre alors Khouma, le photographe du club et Aissatou une femme de ménage. Elle va découvrir un monde qui lui était totalement inconnu. Un nouveau voyage va enfin commencer…

La critique du film

Le film s’ouvre sur l’arrivée d’un groupe de touristes dans le village vacance de M’bour. Sur les images tremblantes d’une caméra amateure, sourires et détente sont au programme. Au milieu du groupe, le visage fermé de Marta, étanche à la bonne humeur générale, retient l’attention. Passer les vacances de Noël avec un papa absent le reste de l’année, patron d’une agence de voyages qui allie en la circonstance l’utile à l’agréable, n’est pas pour la ravir. 

C’est une histoire de téléphone oublié dans la chambre qui va faire pénétrer Marta hors de la zone d’exposition, derrière le panneau staff only (titre original du film). Les grands yeux de Marta – incarnée par Elena Andrada, des faux airs de Sofia Coppola, s’ouvrent aux coulisses de l’hôtel. Aïssatou, reléguée femme de chambre pour n’avoir pas été assez « cordiale » avec les clients du bar, et plus encore Khouma, réalisateur officiel des films de vacances, intéressent la jeune femme davantage que les excursions et animations programmées. 

Habiles décalages

Formée à l’école du documentaire, la réalisatrice utilise ici la fiction comme véhicule pour introduire des décalages habiles à décrire une réalité à plusieurs facettes. La présence d’acteurs non professionnels contribue à accentuer cette tension. Le film aborde beaucoup de thèmes qui alimentent le récit en courants forts et courants faibles: la relation père-fille, le tourisme de masse, les amours de vacances. 

Dès la scène d’ouverture, la réalisation instaure un double registre d’images, sensitif et narratif.

Celles filmées par la caméra vidéo de Khouma sont des images amateures dégradées par l’ obsolescence de sa caméra. La relation entre Marta et Khouma évolue assez joliment à travers ce filtre. D’abord assignés à une fonction, les plans se font de plus en plus subjectifs jusqu’à devenir intimes dans ce qui est, en son milieu, la plus belle scène du film. Marta prend les commandes, dévoile le décor d’une chambre, glisse sur le corps de Khouma, remonte vers leurs visages, s’attarde sur leurs jambes entremêlées. Dans la scène suivante, Marta, dans les rue de M’bour, joue au ballon avec une bande de gamins sous l’œil amusé de Khouma. Deux instants de liberté volés au modèle stéréotypé proposé par le cadre familial.

L’envers du décor

Marta pour tromper l’ennemi feint une indisposition, achète le silence de son frère contre des parties de billards. Il n’est pas d’émancipation sans conflit. Dans le rôle ingrat du père qui n’a pas vu grandir ses enfants, Sergi Lopez excelle à surjouer le courroux en cachant mal une sensibilité qui finit par toucher notamment lors d’émouvante dernière scène de réconciliation qui suggère les torts partagés.

L’intrigue autour de l’achat d’une nouvelle caméra est moins réussie. Les enjeux de culpabilité du vacancier en milieu défavorisé n’avaient pas besoin de cette enchère pour être perçus. On regrettera également quelques sautes de rythme, notamment dans les scènes dialoguées. À ces restrictions près, le film offre un joli contrepoint au genre du film de vacance. Loin des « comédies pension complète » dont le scénario tient sur une serviette de plage, Le Voyage de Marta met en lumière l’envers du décor et brosse le portrait sensible d’une jeune femme en quête d’authenticité. 



Bande-annonce

Au cinéma le 17 juillet