body cross cronenberg

CONSUMED | Cronenberg adapte son roman en série pour Netflix

Qui ?

David Cronenberg est tout d’abord le cinéaste qui a donné ses lettres de noblesse au sous-genre horrifique du « body horror ». Au travers de films comme Frissons, Rage, Chromosome 3, Vidéodrome, La Mouche ou bien encore eXistenZ, le corps était représenté comme une source d’étrangeté, le cinéaste faisant s’incarner l’altérité, aussi fascinante qu’horrifiante, dans la chair même des personnages. Cela engendre un bouleversement progressif de leur identité, brisant la frontière entre l’autre et le même, l’organique et l’inorganique, l’intériorité psychique et l’extériorité physique.

À partir des années 2000, son cinéma prend une autre tournure, moins horrifique et plus dramatique, mais tout aussi ancrée dans les dualités thématiques présentées plus haut. A History of Violence ou Les Promesses de l’ombre montrent également des individus qui sont « autres » que ce qu’ils sont en apparence. Un envers du décor violent, révélant des êtres aussi meurtris que monstrueux. Les deux derniers film du cinéaste (Cosmopolis et Maps to the Stars) s’inscrivent aussi, d’une certaine manière, dans cette thématique qui constitue le fondement d’un cinéma profondément fasciné par l’altérité.

En 2014, Cronenberg publie le roman Consumed (Consumés en français, paru chez Gallimard en 2016), et déclare ne pas avoir envie de réaliser un nouveau film. Néanmoins, la même année, il réalise The Nest, un court-métrage montrant un dialogue entre une femme et son chirurgien, chargé de lui faire une mastectomie afin d’éliminer les insectes qui ont colonisé son sein gauche. L’histoire fait clairement écho à l’un des passages (très glauque) du roman, si bien que l’idée d’une adaptation reste en suspens.

Or, c’est Cronenberg lui-même qui a révélé il y a quelques jours au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal qu’il planchait depuis plus d’un an sur l’adaptation sérielle de Consumed. Le projet est produit par Netflix. Aussi, le réalisateur est bel et bien revenu au cœur de l’actualité cinématographique, ayant présenté il y a quelques semaines la Director’s Cut restaurée 4K de Crash à la Mostra de Venise.

Quoi ?

Profitant d’une plus grande liberté créative, Cronenberg a construit Consumed comme une véritable cathédrale de fascination morbides. Le roman suit le parcours d’un couple de photojournalistes, qui parcoure le monde à la recherche de sujets à sensation. Il ne seront pas déçu du voyage, lorsqu’ils seront confrontés au cas d’un couple d’universitaires exerçant à la Sorbonne, dont la femme, Céleste a été retrouvée morte, dépecée et en partie mangée. Son mari, Aristide, est introuvable. Ce meurtre va mener le couple aux quatre coins du monde, les confrontant aux pires horreurs (trafic d’organes, prothèses auditives explosives, etc.). Libertinage, échangisme, nouvelles technologies, cannibalisme, mutilations, Consumed est un thriller éreintant, dont l’érudition presque chirurgicale est aussi passionnante que glaçante.

Quand ?

Pour l’instant, aucune information n’a filtré concernant une possible date de sortie de la série.

Pourquoi ?

Rappelons déjà que Cronenberg est l’un des plus grands réalisateurs du monde, ce qui constitue déjà une marque d’intérêt. Ensuite, Consumed mérite une adaptation en série, car il n’y a qu’au travers de ce format qu’il est possible de rendre compte de la complexité de son intrigue, extrêmement ambitieuse. Aussi, le format long-métrage ne permettrait pas de concilier l’érudition glacée des fantasmes et autres phobies présentes dans le roman, avec les multiples péripéties d’une intrigue qui reste avant tout une enquête « policière ».

Enfin, Cronenberg avait déjà dit quelques mots l’année dernière sur la récente hégémonie des séries, ainsi que sur l’écran de télévision comme support privilégié par le plus grand nombre. Là où certains regrettent les salles de cinéma, le réalisateur canadien reste fasciné par la transformation actuelle du septième art, à l’image des innombrables corps chimériques qui peuplent sa filmographie. On pourra donc s’attendre à un minimum de considération du format sériel de sa part.