Dolittle

LE VOYAGE DU DR DOLITTLE

Après la perte de sa femme sept ans plus tôt, l’excentrique Dr. John Dolittle, célèbre docteur et vétérinaire de l’Angleterre de la Reine Victoria, s’isole derrière les murs de son manoir, avec pour seule compagnie sa ménagerie d’animaux exotiques. Mais quand la jeune Reine tombe gravement malade, Dolittle est contraint de partir à l’aventure dans une île mythique à la recherche d’un remède, retrouvant son esprit et son courage alors qu’il affronte de vieux adversaires et découvre des créatures merveilleuses. Au cours de sa quête, le docteur est rejoint par un jeune apprenti et une joyeuse troupe d’amis animaux, dont un gorille anxieux, un canard enthousiaste mais têtu, un duo chamailleur formé par une autruche cynique et un joyeux ours polaire, et enfin un perroquet entêté, fiable conseiller et confident de Dolittle. 

Critique du film

Depuis qu’il a (définitivement ?) rangé au placard son costume de super-héros en téflon, les curieux se demandaient quelle serait la suite des aventures cinématographiques de Robert Downey Jr. Avec cinq blockbusters Marvel au compteur lors des cinq dernières années, nombreux étaient ceux qui espéraient le voir retourner à un cinéma d’auteur – ou du moins plus risqué – dans lequel il a prouvé son talent par le passé (Chaplin, Short Cuts, Tueurs nés, Zodiac, Tropic Thunder…). Après tout, peut-être en avait-il marre de se retrouver sans cesse enfermé en studio devant un fond vert, à parler à un personnage imaginaire tout juste représenté par un type en lycra avec des balles de ping-pong scotchées sur la figure ? Eh bien, visiblement non, car le voici donc revenir avec Le voyage du Dr Dolittle, où il passe le plus clair de son temps à échanger avec un bestiaire numérique.

Sur le papier, cette nouvelle version du Docteur Dolittle a de quoi séduire. En effet, elle a le mérite d’arriver après la saga portée par Eddie Murphy au tournant des années 1990-2000 et qui aura difficilement accouché de cinq films (deux sortis en salles suivis de trois DTV), histoire d’essorer la franchise jusqu’à la dernière goutte. Cette adaptation, dont le but principal était de payer les impôts d’un Eddie Murphy en perte de vitesse, n’avait pas grand-chose à voir avec l’œuvre originale, à part le nom du héros et sa capacité à parler aux animaux. L’idée de repartir de zéro et de se replonger aux sources du matériel prenait donc tout son sens.

Relativement peu connue de ce côté de la Manche, l’histoire du Docteur Dolittle est tirée d’une série de livres publiés durant la première moitié du XXème siècle. L’auteur britannique Hugh Lofting y racontait les aventures de ce médecin de l’Angleterre victorienne qui communique avec les animaux. Près d’un siècle plus tard, Stephen Gaghan, le réalisateur de cette nouvelle mouture, a ainsi puisé dans ces récits afin de recréer avec une certaine fidélité cet univers. Fini donc le monde moderne et retour au milieu du XIXème siècle et aux intrigues au sein de la cour de la reine Victoria. Encore une fois, sur le papier, le projet a des arguments et suscite la curiosité. Nos espoirs ne dépasseront pas le cadre du projet malheureusement.

Ce Voyage du Dr Dolittle est le quatrième film de Stephen Gaghan à sortir sur les écrans, après notamment Syriana (2005) et Gold (2016), deux films imparfaits mais ambitieux. Lui qui a gagné un Oscar du meilleur scénario en 2001 pour Traffic de Steven Soderbergh, on se demande bien ce qui a pu le motiver dans cette histoire sans relief et totalement balisée. Il évoque le souvenir de L’extravagant Docteur Dolittle (1967) comme source d’inspiration, comédie musicale désuète de Richard Fleischer et première adaptation des romans de Lofting. On en regretterait presque de ne pas voir Robert Downey Jr pousser la chanson, cela aurait au moins eu le mérite d’insuffler un peu de vie au métrage.

Réalisation terne, acteurs catatoniques

Si l’on s’ennuie devant cette nouvelle version, c’est d’abord du fait d’un scénario convenu et désespérément linéaire. Rien ne sort du cadre préalablement établi et déjà vu. L’évolution des rapports entre le héros bourru et son jeune assistant, le remède miracle à récupérer à l’autre bout du monde, les méchants arrivistes et leurs plans simplistes… Que de passages obligés et ressassés dans une multitudes de films auparavant. Mais même ce manque d’originalité pourrait passer si la mise en scène ne s’avérait pas si terne et peu inspirée. Le long-métrage de Gaghan manque cruellement de caractère et il n’est pas sauvé par ses quelques tentatives humoristiques.

Les rares bonnes idées, comme pour cet écureuil avide de vengeance, ne sont jamais vraiment exploitées jusqu’au bout, et le film tombe fréquemment dans la facilité et l’humour régressif. À trop vouloir lisser son propos pour plaire au plus grand nombre, le réalisateur rend l’ensemble fade et oubliable. Le film a beau s’adresser principalement aux enfants, ces derniers risquent de ne pas retenir grand-chose de l’expérience. Seuls les tout-petits se laisseront peut-être attendrir par les animaux et quelques gags efficaces. 

le voyage du dr dolittle
Côté acteurs, à leur décharge, ces derniers n’ont que peu de matière avec laquelle s’amuser et paraissent le plus souvent catatoniques. Michael Sheen campe ainsi un méchant bien trop inoffensif pour faire frémir les petits. Mais le plus gros problème reste Robert Downey Jr., qui nous offre le strict minimum. Acteur principal et surtout producteur du film, on pouvait espérer un investissement total de l’acteur américain, mais celui-ci semble ne jamais y croire vraiment.

Gros budget casting et animation

Comme souvent, pour masquer les manques multiples, la production a mis le paquet sur les voix-off, et nous offre un casting première classe et des plus éclectiques : Emma Thompson, Rami Malek, John Cena, Octavia Spencer, Tom Holland, Ralph Fiennes, Selena Gomez et Marion Cotillard ! En matière de communication, c’est sans doute le meilleur moyen d’attirer toutes les générations confondues. Mais cela reste un artifice et ne vaut que pour la VO, la version française ayant fait le choix salutaire de confier les doublages à des professionnels et non à des « artistes » de la scène « humoristique » locale.

Au final, le seul véritable intérêt du film réside dans ses effets-spéciaux supervisés par John Dykstra, légende des VFX double oscarisé pour Star Wars (1977) et Spider-Man 2 (2004). La qualité de l’animation et du rendu des différents animaux est une maigre consolation mais nous laisse entrevoir où est passée une bonne partie du budget conséquent (175 M$).

Probablement produit avec l’espoir de lancer une nouvelle franchise pour Robert Downey Jr., la réception plus que tiède du film aux États-Unis risque d’être un frein à la mise en route d’une potentielle suite. Alors que l’acteur devrait prochainement retravailler avec Richard Linklater – quinze ans après A Scanner Darkly (2006) – c’est peut-être tout le mal qu’on peut lui souhaiter.

Bande-annonce

5 février 2020 – Avec Robert Downey Jr.Antonio BanderasMichael Sheen