CUBAN NETWORK
Début 90. Un groupe de Cubains installés à Miami met en place un réseau d’espionnage. Leur mission : infiltrer les groupuscules anti-castristes responsables d’attentats sur l’île.
Critique du film
C’est le producteur brésilien Rodrigo Teixeira, détenteur des droits du livre The Last Soldiers of the Cold War de Fernando Morais, dont est adapté Cuban Network, qui est venu chercher Olivier Assayas après avoir vu la mini-série Carlos, réalisée par ce dernier. Pourtant peu adepte des films de commande, Olivier Assayas a vu ici l’occasion de prolonger ce qu’il avait initié avec Carlos, « une manière de traiter les guerres souterraines de notre époque. » Il retrouve également pour l’occasion l’acteur vénézuélien Édgar Ramírez.
Si Cuban Network comporte certaines caractéristiques du thriller d’espionnage, avec notamment un joli twist central et quelques belles séquences sous tension (une « bataille » aérienne, la pose de bombes dans les hôtels de la Havane…), le but d’Olivier Assayas est avant tout de raconter une page peu connue de l’Histoire moderne, se déroulant sur les cendres chaudes de la Guerre Froide. Depuis 1959 et la prise de pouvoir de Fidel Castro à Cuba, des dissidents s’exilent en Floride d’où ils organisent des attaques sur le sol cubain. Dans les années 1990, le gouvernement cubain envoie des espions pour les infiltrer et déjouer leurs attentats. Cuban Network s’attache à raconter cette guerre secrète où les enjeux politiques, de part et d’autre, peuvent mener à tous les extrêmes et ne sont pas à un paradoxe près.
Raconter les tenants et aboutissants d’un tel conflit, aux multiples protagonistes et dicté par des enjeux complexes, sur près de 10 ans, n’était pas chose aisée, pourtant Cuban Network s’avère étonnamment simple à suivre. Le scénario pose clairement la structure historique (et avec une objectivité bienvenue) et le montage gère habilement le temps et les ellipses. Olivier Assayas se montre en fait volontairement didactique par moments pour mieux s’étendre ensuite sur ce qui l’intéresse vraiment, à savoir les protagonistes et les destins personnels au sein de la grande Histoire. Aux idéaux politiques se mêle alors l’intime. Chacun traverse les choses avec sa propre morale, pour certains indéfectible, pour d’autres plus ambivalente. Par ailleurs, l’engagement ne peut être que complet et entrainer des répercussions sur des personnes tierces. Ce sont les femmes qui représentent ici les dommages collatéraux. Brisées, bousculées, elles subissent de plein fouet les conséquences d’une guerre politique qui n’est pas la leur.
Pour que le film fonctionne, vu le nombre important de personnages et leur importance dans la structure narrative, Olivier Assayas se devait de s’entourer d’un casting irréprochable. Il est heureusement à la hauteur des attentes. A la distanciation volontaire (mais que vient de temps en temps briser une certaine fragilité) d’Édgar Ramírez répond l’émotion touchante de Penélope Cruz. A l’ambiguïté de Wagner Moura répond la sincérité d’Ana de Armas. Gael García Bernal apporte quant à lui une touche de légèreté, là où Omar Ali, Tony Plana et Leonardo Sbaraglia campent des hommes politiques imperturbables.
Loin de ce qui, dans d’autres mains, aurait pu finir comme un thriller dopé à l’action ou à l’inverse un film politique bavard et mettant le cerveau en surchauffe, Cuban Network trouve le juste équilibre en mettant ses protagonistes en avant, qui plus est campés par un casting de haut vol.
Bande-annonce
29 janvier 2020 – D’Olivier Assayas, avec Penélope Cruz, Édgar Ramírez, Gael García Bernal