THE OWNERS
Une jeune femme se retrouve au milieu d’une situation qui la dépasse après que son petit ami et le meilleur copain de ce dernier aient décidé de cambrioler une maison. Quand les propriétaires âgés de la villa reviennent plus tôt que prévu, les jeunes voleurs se livrent au jeu de chat et de souris car le couple semble moins gentil qu’il n’y paraît…
Avant-propos
C’est une évidence constatée par tous les amateurs de cette catégorie, produire un film de genre en France n’est pas une sinécure. Malgré un léger frémissement observé depuis quelques années, avec des films comme Grave en 2016 ou bientôt Teddy, et bien qu’encouragé par la création d’une nouvelle aide spécifique du CNC en 2018, les films de genre restent encore la portion congrue de la production audiovisuelle française. Sans doute est-ce là l’une des raisons qui ont poussé Julius Berg, le réalisateur de The Owners, et Mathieu Gompel, son co-scénariste, à s’exporter outre-manche pour mener à bien leur projet.
Mais outre cette réalité d’ordre pratique, le réalisateur français n’a en vérité jamais vraiment envisagé de tourner son film ailleurs qu’en Angleterre. Cette identité britannique était présente dès l’écriture du scénario, et celle-ci s’est encore renforcée naturellement lors de la traduction de celui-ci en anglais par leur collaborateur Geoff Cox. Ne restait alors plus qu’à trouver les bons partenaires pour mener à terme ce projet, et c’est ce qui arrivera grâce au soutien de deux producteurs franco-anglais basés à Londres. Des financements français viendront s’ajouter par la suite contribuant définitivement à faire de ce film une œuvre franco-anglaise.
Critique du film
Adapté du roman graphique Une Nuit de Pleine Lune du dessinateur Hermann et son fils, Yves H., The Owners reprend la trame initiale de la BD, mais prend néanmoins des libertés avec le matériel d’origine. Comme l’explique le scénariste Mathieu Gompel « la base est identique mais les personnages changent et le déroulé du récit également. La BD est un slasher, mais pas le film qui est plus psychologique. »
The Owners, est le premier film de Julius Berg, qui a fait ses armes dans la pub, puis dans des séries télévisées pour TF1, France Télévisions ou Netflix. Il y a donc de quoi être impressionné par la maîtrise qu’il affiche, dans sa mise en scène comme dans sa direction d’acteur. Il a eu l’intelligence d’adapter ses besoins aux moyens qui étaient les siens. Ainsi, le film se déroule dans un lieu unique et comporte en tout et pour tout, sept comédiens et pas un de plus. L’économie de budget a été rationalisé et concentré sur le strict nécessaire permettant au film de ne jamais en pâtir, car jamais cela ne se ressent à l’image, au contraire même, tant le cachet visuel est là.
Pour cela, il faut notamment saluer le travail de David Ungaro qui, film après film, s’affirme toujours un peu plus comme la référence française des chefs opérateur du cinéma de genre (On lui doit les déjà très belles images de A Prayer Before Dawn, Les confins du monde ou Donnybrook). L’autre point fort du film se situe bien évidemment au niveau du casting puisque la nature même du film fait qu’il repose grandement sur eux. S’ils ne sont pas nombreux au générique, ils sont tous excellents et apportent tous une véritable personnalité à leur personnage.
À commencer par Maisie Williams, alias Arya Stark, dans son premier film depuis la fin de l’aventure Game of Thrones. Elle est parfaite dans le rôle de cette jeune femme embarquée contre sa volonté dans un cambriolage foireux mais qui, dans l’adversité, s’affirme comme la plus réfléchie et courageuse de la bande. On ne peut que saluer la démarche de la jeune actrice et sa prise de risque à s’être engagé dans un film de genre indé, quand il eut été sans doute plus facile et confortable de surfer sur le succès de Game of Thrones pour enchaîner avec une grosse production. À ce sujet, Williams dit admirer les choix de carrière de Robert Pattinson et Kristen Stewart après Twilight, et s’en inspirer. Bien lui en a pris !
De l’home invasion au survival
Présenté en avant-première mondiale durant cette édition de l’Étrange Festival 2020, The Owners est un premier film abouti qui remplit son contrat et même un petit peu plus encore. Derrière le home invasion qui vire au survival tendu, se cache une réflexion caustique sur le conflit de classe et de générations qui touchent nos sociétés modernes. Une cohabitation impossible entre, d’un côté, des jeunes sans avenir ni perspectives qui souhaitent prendre ce qu’ils estiment leur être dû, quitte à l’obtenir dans la violence. Et de l’autre, des anciens qui ont prospéré et refusent de partager leurs acquis et leur territoire avec une génération qu’ils perçoivent comme des intrus, des parasites à éradiquer tels de vulgaires cafards.
Moralité, dans un monde toujours plus divisé et toujours plus cruel, les faux-semblants sont nombreux, les victimes se confondent avec les prédateurs, et la véritable menace ne vient pas toujours de là où l’on croit.
Présenté en avant-première à l’Étrange festival 2020