LANDSCAPES OF RESISTANCE
Retour sur le destin de la serbe Sonja, des souvenirs de ses lectures révolutionnaires lorsqu’elle était étudiante, de son mariage avec un communiste, de sa participation dans la résistance contre l’occupant allemand en Serbie en 1941 mais aussi de sa capture en tant que militante communiste et antifasciste, jusqu’à son évasion du camp de concentration d’Auschwitz.
Critique du film
Il n’est pas aisé de trouver un biais pour filmer un documentaire qui traite de la résistance pendant la Deuxième Guerre mondiale. Si le sujet est nécessaire et crucial, entre Histoire et mémoire, il a été le cadre de nombreux films par le passé, que ce soit par la fiction ou le documentaire. Marta Popivoda, cinéaste serbe installée à Berlin depuis plusieurs années, a puisé dans son histoire personnelle pour mettre en valeur Sonja, résistante serbe de la première heure, déportée à plusieurs reprises car activiste communiste.
Si le film s’appelle Landscapes of resistance, c’est bien qu’il utilise les paysages et les territoires comme charte graphique. La voix de Sonja occupe le fond sonore, alors qu’au premier plan on retrouve des natures mortes, champs de fleurs, forêts, et lieux hantés par les présences humaines qui les marquèrent à jamais de leur empreinte.
L’originalité formelle de ce documentaire se situe donc bien là : une dissociation du son et de l’image qui met en valeur l’humain d’une part, avec le vécu de Sonja, mais aussi en magnifiant le cadre où se sont passés les événements de l’Histoire. La réalisatrice multiplie les formes, alternant ces longs plans de travellings sur fond de nature avec des lettres manuscrites incrustées sur l’écran. Ces instants permettent de donner à la fois une profondeur au récit, expliquant les choix de l’autrice, mais également une perspective sur l’avenir, car elle nous raccroche au présent. Marta Popivoda se met alors au premier plan, par le biais d’une lettre, rappelant toute l’anxiété du moment qu’elle vit, où les braises du fascisme rougeoient de nouveau. Le parallèle entre ces deux histoires est particulièrement éloquent et glaçant à la fois, tant il rappelle l’urgence de notre époque.
L’histoire de Sonja est aussi, et sans doute surtout, celui d’une femme, partisane selon ses propres mots. Landscapes of resistance est un film réalisé par une femme qui développe une vie de femme, symbolisant toutes celles qui se sont battus à coté ou en parallèle des hommes. Ces luttes, beaucoup moins documentées et mises en lumière, donnent un cachet et une importance encore plus capitale à ce documentaire. De son mariage, opportunité qui lui permet d’acquérir son indépendance, jusqu’à son militantisme au parti communiste, c’est un récit de vie prodigieux que nous délivre cette œuvre. Il n’est nullement question de faire l’apologie d’un système au profit d’un autre, le film ne parle pas des appareils politiques, il s’intéresse exclusivement à des gens simples, originaires d’un petit village des Balkans. Le courage de cette femme est celui de quelqu’un de commun, qui ne s’isole pas au milieu de la foule, d’où son insistance à utiliser le mot « partisan », qui au delà de sa connotation politique parle surtout de valeurs d’entraide et de solidarité universelles.
Sonja est une prisonnière politique, elle n’est pas là pour sa religion et ses origines, ou pour son orientation sexuelle, elle arrive à Auschwitz car elle lutte contre l’injustice. Si Marta Popivoda choisit cette orientation plutôt qu’une autre c’est pour rappeler l’importance de certaines prises de conscience. Au delà des ses qualités formelles déjà évoquées, le film brille par cette volonté de rappeler que le documentaire est là pour annoncer les combats actuels, mais également à venir. La façon dont le film arrive à concilier le passé et le présent en les superposant habilement, lui permet de gagner une intensité et une intelligence qu’il n’aurait pas atteinte dans la seule évocation de la Deuxième Guerre mondiale.
2021 – De Marta Popivoda.