RED, WHITE AND BLUE
Leroy a grandi à Londres dans une famille d’origine jamaïquaine, dans l’idée de réussir par les études. Après un doctorat en physique, il décide d’abandonner son métier dans la recherche pour devenir policier dans son propre quartier, pour montrer l’exemple et résoudre des problèmes de l’intérieur…
Critique du film
Red, white and blue constitue la troisième étape du projet Small Axe de Steve McQueen, étude en cinq films de la communauté noire originaire des west indies en plein cœur de la grande capitale du Royaume-Uni. Pour la première fois, le premier rôle est un visage facilement identifiable : John Boyega, devenu star avec son rôle de Finn dans la dernière trilogie Star Wars. Ce troisième film plonge dans l’univers déjà maintes fois évoquées de la police de Londres. Ces policiers hantaient jusque ici le deuxième plan et le hors champ, telle une présence inquiétante, représentant un ennemi identifié, blanc et ouvertement raciste.
Leroy est la fierté de sa famille, il est noir, mais un modèle d’intégration, étudiant brillant, titulaire d’un doctorat, père de famille modèle. Il représente le rêve de son père, un patriarche bourru et hostile qui n’a eu de cesse que de vouloir une ascension sociale pour ses enfants, quitte à les brimer et à instiller la peur dans son foyer. L’intelligence de Leroy n’est pas contenue que dans des livres et dans des expériences de laboratoire, il désire jouer un rôle dans le monde dans lequel il vit, pour sa communauté. Rester dans un bureau, seul face à ses microscopes, ne lui convient pas, il veut résoudre les problèmes de racismes déjà évoqués dans les deux premiers films, directement au cœur du problème.
La première partie de Red, White and blue montre une académie sensible aux prouesses physiques et intellectuelles du jeune homme. Il surpasse ses collègues et s’affirme comme une recrue de choix, et lui-même se prend au jeu, il peut changer les choses.
L’arrivée sur le terrain, son propre quartier, constitue un second acte d’une cruauté incroyable. Pour ses pairs, il est un traitre, tandis que pour les autres policiers, presque exclusivement blancs, il n’est qu’une attraction de foire pour laquelle ils n’ont que du mépris et de la haine. L’action se déroule dans la période charnière des années 1970-1980 où tout reste à faire en terme de changement des mentalités. Le mur auquel se retrouve confronté Leroy est implacable : la détestation est de toute part, il n’a aucun allié et la tentation de l’abandon est tapie dans chaque nouvelle journée. Cette scène où Leroy discute avec son seul autre collègue non blanc, un anglais d’origine indo-iranienne, est éloquente à bien des titres. Il se demande à quoi bon continuer à lutter dans un environnement aussi hostile, la réalité entrant en conflit avec toutes les bonnes volontés.
Le film ressemble plus à Mangrove qu’à Lovers rock dans sa volonté de se confronter au racisme plus frontalement. Mais il trouve sa singularité dans ces instants où Steve McQueen décide de relater la relation père-fils entre Leroy et Kenneth. Ce père inflexible et bourru compose un personnage qui est à la fois détestable dans sa façon de traiter sa famille, mais aussi extrêmement touchant dans ce qu’il révèle d’une génération qui a rêvé l’avenir de ses enfants, en oubliant un peu les acquis transmis par leurs propres parents. Les tensions entre ces deux hommes révèlent beaucoup du climat existant dans cette période de l’histoire du Royaume-Uni.
Si la validation du choix du fils par le père intervient tard dans le récit, elle contient une force qui surprend par sa simplicité mais aussi par sa portée comme seule une scène de ce type peut conférer. Le père décide l’espace d’une scène d’abandonner son visage dur et tout puissant pour se mettre au niveau de son fils, non pas en étant faible, mais beau dans sa sensibilité enfin dévoilée, abandonnant les oripeaux d’une virilité qui ne résout rien et sépare les générations.
Disponible le 26 février sur Salto
