SILENCE
Au XVIIème siècle, deux prêtres portugais débarquent sur les côtes japonaises. Leur but est d’infiltrer la communauté chrétienne contrainte à la clandestinité par les autorités féodales, et de réimplanter l’Eglise dans ce pays insulaire isolé. Bientôt persécutés à leur tour, les prêtres vont découvrir la terrible vérité cachée derrière la disparition d’un autre missionnaire des années auparavant…
Foi ou orgueil ?
À l’origine il y un livre écrit en 1966 par Shusaku Endo, auteur japonais catholique qui a beaucoup développé le thème de la foi dans son œuvre. Silence, son roman remporta le prix Tanizaki et fut considéré au Japon comme le roman le plus important écrit cette année-là. Adapté une première fois en 1971 par Masahiro Shinoda, il fit l’objet d’une autre transposition en 2016 par Martin Scorsese, qui en offrit une version qui diffère par certains détails mais les deux films offrent également des similitudes. Cette version de Silence, réalisée par Masahiro Shinoda récompensée par le Prix Mainichi en 1971 et projetée à Cannes en 1972, représente une très belle réussite formelle alliée à une passionnante réflexion.
Silence pose de nombreuses questions sur la foi, celle qu’on revendique ou qu’on garde cachée, qu’on est prêt à renier ou, au contraire, à clamer contre l’oppresseur, quitte à se mettre en danger ou à en faire payer le tribut à d’autres. En refusant d’abjurer sa religion chrétienne, Rodrigues ne met il pas en danger des personnes qu’il devrait protéger ? Est ce de la foi ou de l’orgueil ?
La très belle photographie de Kazuo Miyagawa met en valeur aussi bien les paysages que les visages, tandis que la partition de Toru Takemitsu, donne parfois un sentiment d’étrangeté au film et distille une certaine angoisse. Les vagues qu’on voit mourir sur les falaises ressemblent aux interrogations des hommes et à leur soif d’apaisement qui restent sans réponse et se confrontent au silence de Dieu.
Intime croyance
« Dieu ou Bouddha n’existent pas. Plus rien n’existe » dit Monica, un des personnages. Silence peut sembler extrêmement pessimiste. Les terribles supplices infligés, les humiliations peuvent faire douter, apostasier, trahir. Et pourtant, il reste parfois l’espoir ou un retour à la foi. Kichijiro, apparemment prêt à toutes les bassesses, à toutes les volte face, finit chaque fois par retourner à sa foi.
Ce n’est pas seulement une œuvre sur la foi, mais aussi sur ce qu’on garde intimement au fond de soi et ce que personne ne peut nous voler ou nous faire renier. On peut nous contraindre à simuler mais pas à changer.
« C’est une simple formalité, vous êtes libres de vos croyances » : ainsi s’exprime un des tortionnaires zélés, qui doit bien réaliser que seules les apparences semblent compter aux yeux de l’inquisiteur et qu’on ne peut extirper d’un corps torturé que l’apparence du reniement de soi et de son intime croyance.