ÉCOLIERS
Critique du film
Tout parent rêverait de se faire tout petit et de se glisser, ni vu ni connu, dans un coin de la classe de son enfant pour observer ce qui se trame entre les bancs de l’école. Comme Nicolas Philibert au début du 21e siècle avec l’inoubliable Être et avoir, Bruno Romy leur offre cette opportunité et s’incruste dans une salle de classe afin de filmer l’école au naturel. Le spectateur devient le témoin silencieux des apprentissages, des bavardages et des bêtises, il aperçoit çà et là une paire d’yeux qui s’illuminent pendant le maître lit un extrait de roman, ou une autre qui s’humidifie face à une évaluation un peu trop coriace. Chaque tête blonde (ou brune, pour la majorité) se voit offrir son instant sous les projecteurs durant le documentaire Écoliers, qui propose une belle illustration de la richesse du métier d’enseignant mais aussi un aperçu de cette formidable hétérogénéité que représente une classe de vingt à trente élèves.
Après deux mois de fermeture au printemps 2020 et un départ en vacances précoce une année plus tard, nul besoin de rappeler combien l’école joue un rôle majeur de construction sociale pour chaque enfant – bien plus que celui auquel certains penseurs ou dirigeants ont voulu la cantonner : celui de garderie nationale permettant à l’économie de fonctionner – et à quel point point le métier de professeur est une vocation qui mérite bien plus de considération que celle qui lui est actuellement accordée.
Protéger l’école
Toujours à l’image, ou presque, mais jamais au centre, s’effaçant au profit de ses élèves, l’instituteur s’efface volontiers pour céder sa « place » devant le tableau (son bureau est d’ailleurs au fond de la classe). Il distribue la parole dans un cadre bienveillant, prodigue ses conseils en relation duelle et apporte son étayage éclairé à ceux qui viennent le trouver. Le savoir se construisant toute l’année et en coopération, il semble laisser une place conséquente à l’autonomie et à l’entraide – et pas seulement dans le cadre d’un troc de friandises acidulées, comme ces deux garçons qui tentent de venir à bout d’une fiche d’exercices de numération. Ce regard rappelle ainsi que « la valeur d’un professeur se mesure à la personnalité de ses élèves » et que sa vocation est de révéler à chacun d’entre eux sa propre richesse.
Discrète, la caméra capte ces instants de vie de classe. Cours d’anglais en chanson, calculs d’aires en géométrie, photo de classe pour immortaliser cette ultime année d’école élémentaire, et même exercice de confinement vigipirate, comme pour rappeler le contexte que vit la jeunesse depuis leur entrée en CP… Bruno Romy met en images ce lieu de vie essentiel, ce sanctuaire de tous les apprentissages et observe les enfants à hauteur de pupitre à un âge où les personnalités se forgent, les amitiés se font et se défont, où les têtes se remplissent de connaissances comme de rêves, à quelques semaines du passage au collège.
Bande-annonce
19 mai 2021 – De Bruno Romy