JOSÉE, LE TIGRE ET LES POISSONS
Kumiko, paraplégique depuis l’enfance, vit avec sa grand-mère, qui la sur-protège du monde extérieur. Elle sort peu et s’est créé son propre univers, aidée par la lecture, sa fascination pour la mer et son imagination débordante. Elle demande qu’on l’appelle Josée, du nom d’une jeune héroïne d’un roman de Sagan. Tsuneo, brillant étudiant en biologie marine, aimerait poursuivre ses études au Mexique où il pourrait vivre son rêve, plonger dans les eaux tropicales. Pour cela il lui faut de l’argent et il cherche donc des petits boulots. Un soir, il tombe littéralement sur Josée et la sauve d’une horrible chute. Suite à cette rencontre accidentelle, la grand-mère de Josée engage Tsuneo comme aide-soignant. Josée se révèle autoritaire et têtue, mais Tsunéo est d’une grande patience. Ils apprennent à se connaître et même à s’apprécier. Un jour, il emmène Josée à la mer…
CRITIQUE DU FILM
Humour, poésie et finesse. Tels sont les qualificatifs qui pourraient au mieux rendre leur pleine justice au style de l’écrivaine japonaise Seiko Tanabe, et dont les nouvelles sont un concentré d’analyse de la société japonaise en pleine évolution d’après-guerre. A travers les yeux de ses héroïnes battantes et dynamiques, loin du mythe de l’épouse timide, douce et dévouée à son mari, elle s’emploie à dépeindre des fresques modernes, libérées des conventions sociales – avec, en point d’orgue, des histoires d’amour peu conventionnelles.
Ainsi, Josee to Tora to Sakana-tachi, publiée en 1985 et ayant déjà fait l’objet de deux films inédits en France, raconte la relation tumultueusement attendrissante entre Kumiko – dite Josée – et Tsuneo dont les destins, le temps d’une année, vont se retrouver liés pour tout ce que la vie peut offrir en imprévisibilité, cruauté mais surtout, en félicité. Pour son premier long-métrage, c’est cette histoire que Kotaro Tamura a choisi de réinterpréter – alternant entre des dessins très réalistes, destinés à capter au mieux les sentiments de chacun des personnages, et des ambiances plus vaporeuses qui se passent du moindre mot.
AQUAR(É)ELLE
Outre une attention particulière attachée à la lumière, et un rythme de narration qui n’est pas sans rappeler celui que l’on attache traditionnellement aux saisons – enjoué et rapide en été, lent et triste en hiver, c’est évidemment le formidable travail sur l’eau et en particulier le monde sous-marin qui saute aux yeux dès les premiers plans du film. On retient notamment les splendides séquences oniriques au service de l’imaginaire créatif de Josée qui, libérée de sa paraplégie, navigue telle une petite sirène dans les rues de la ville immergée tandis que nagent à ses côtés les plus belles espèces marines.
Pour Josée, pourtant exigeante et obstinée, cette peur entretenue par l’inconnu du monde extérieur, du fait de son quotidien passé enfermée, va progressivement l’amener à questionner son champ des possibles, bien plus vaste que celui qu’elle se crée à coups de crayons, lorsqu’au contact de Tsuneo, elle va pouvoir porter son propre regard sur de nouveaux paysages – en particulier la mer. La fascination que les deux personnages éprouvent pour le monde aquatique, et dont il vont se rendre compte qu’ils la partagent, agira sur eux comme une nouvelle source de vie.
Avec toute la grâce que l’animation japonaise apporte au propos qu’il met en images, le regard porté par Kotaro Tamura colore cette nouvelle adaptation de Josée, le Tigre et les Poissons d’une abstraction coulée de jolis symboles – et invite à plonger au cœur d’un Osaka plein de lyrisme et de gaieté. Sur fond d’amours contrariés, baignant le récit de traits d’humour et de mélancolie, Kotaro Tamura réussit à narrer avec pudeur mais sans tabous la réalité de l’invalidité, ainsi que l’acceptation de nos peurs comme catharsis essentielle à leur dépassement.
Bande-annonce
16 juin 2021 – De Kotaro Tamura