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TITANE

Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis 10 ans. Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs.

Critique du film

La présentation de Grave il y a quatre ans est un des moments les plus remarqués des dernières éditions de la Semaine de la critique. Premier film d’une réalisatrice, c’est aussi un film d’horreur, aidé par le CNC, dans un pays où il est très compliqué de monter ce type de productions tant la défiance des élites vis à vis du genre est tangible. L’enthousiasme fut à l’avenant, célébrant peut être exagérément le phénomène Julia Ducournau, devenue l’arbre qui cache la forêt, exception d’un cinéma fantastique qui peine à exister. Les attentes placées derrière Titane, son deuxième long-métrage, furent automatiquement démesurées, drainant des légions de fidèles tous acquis à la cause d’une autrice de 30 ans au talent évident.

Le film déploie d’emblée ses références, tout à la fois le film d’horreur type slasher, le personnage principal Alexia tuant selon un mode opératoire assez erratique munie uniquement de son pic à cheveux. On retrouve également une influence très proche du cinéma de John Carpenter avec l’amour de la machine. Alexia, dès l’enfance, aime les voitures, elle les embrasse, entre en fusion avec elles, danse pour elles. Christine de Carpenter, sorti en 1983, adapté d’un roman éponyme de Stephen King, Grand prix à Avoriaz l’année suivante, avait développé cette alchimie entre une voiture et son propriétaire, qu’il nomme et qui développe une relation faite de jalousie et de manipulation. Alexia, à l’instar du film Jumbo de Zoé Wittok avec Noémie Merlant, s’accouple avec la machine, dans une scène d’amour qui a tout de l’imagerie BDSM.

La réalisatrice mise tout sur son ambiance, avec des envolées musicales et une bande son très oppressantes, multipliant les plans violents, ponctués d’un humour noir partciulièrement grinçant. Qui est Alexia ? À cette question nous n’aurons jamais de réponses, elle demeure une coquille vide qui n’est là que pour recueillir des fantasmes de violences toujours plus graphiques. La première partie du film enchaîne en effet ces effets visuels jusqu’à user littéralement toute la patience et la bienveillance qu’on pouvait encore porter au film. Bien difficile de trouver du sens dans ce premier temps qui se contente d’alterner la violence à la fuite, ambiance délétère bien peu convaincante.

Julia Ducournau change de braquet et abandonne la série meurtrière pour faire rencontrer son actrice, Agathe Rousselle, à Vincent Lindon, commandant d’une garnison de pompiers qui cherche son fils disparu depuis de nombreuses années.

Incapable de faire son deuil, cet homme détruit moralement refuse de voir que cette jeune fille au crâne rasé à la poitrine dissimulée sous des bandages ne peut être son enfant perdu. Le film se mue alors en drame familial où chacun se cherche une place, une guérison éventuelle. Mais il est bien difficile d’être intéressé par cet aspect quand le personnage d’Alexia n’a jamais vraiment été exposé, sa propre structure familiale, partie en fumée dans une scène vite expédiée, ne présentait pas de dysfonctionnements manifestes. Il nous faut alors accepter un cahier des charges lourd et pesant sans aucune direction particulière.

A partir de là, c’est un défilé de moments gênants, malaisants et brouillons, où Alexia cache sa grossesse monstrueuse, fruit de son accouplement avec la voiture. Ce mélange outré et excessif est tout ce que l’on pouvait craindre de ce deuxième film de Julia Ducournau. On atteint une sorte de carte blanche où elle se permet tout, sans aucune limite, et si on peut saluer la prise de risques, cela bascule à chaque fois du coté du ridicule, de l’échec tant visuel que narratif. Titane est une expérience sensorielle malheureusement très désagréable, qu’on avait pu envisager scandaleuse dans son potentiel, et qui n’accouche que d’une souris de mauvais goût et de déception.

Bande-annonce

14 juillet 2021 – De Julia Ducournau, avec Agathe Rousselle, Garance MarillierVincent Lindon