TOUT S’EST BIEN PASSÉ
Critique du film
« Mais comment font les pauvres ? » demande de façon taquine le personnage d’André Dussolier dans Tout s’est bien passé à sa fille qui vient de lui annoncer que son voeu de recourir au suicide assisté dans un établissement de Berne leur coûtera plus d’une dizaine de milliers d’euros. Cette boutade, parmi les nombreuses punchlines de l’homme malade et peu enclin à l’empathie, résume le parti pris de François Ozon pour adapter le roman autobiographique d’Emmanuèle Bernheim, comme le problème de ce film au sujet grave, lui aussi au centre des débats actuels de société après Grâce à Dieu, mais traité ici avec bien trop de superficialité.
Ozon en Berne
Ce nouveau mélodrame de François Ozon cherche en effet à soulever le débat autour de la fin de vie, du droit de décider de son départ et de le faire avec la dignité que tout un chacun mérite, mais il se dispense bien de soulever de véritables questions éthiques, contrairement au poignant Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé ou au troublant Euphoria avec Eva Green. Car il n’est pas réellement question du sort du papa – qui formule sa demande sans détour à sa fille aînée et qui se montre ensuite assez déterminé à en finir le plus vite possible – mais plutôt de celui de ses filles et plus particulièrement d’Emmanuèle, incarnée sans éclats par Sophie Marceau. Par certains rêves ou flashbacks, pas toujours de bon goût et n’apportant pas grand chose au récit – là où quelques non-dits auraient tout aussi bien pu sous-entendre leur passif difficile -, Tout s’est bien passé revient sur certains souvenirs d’enfance d’Emmanuèle avec ce père caractériel et antipathique (pour ne pas dire détestable) qui verbalisait déjà ses idées suicidaires à sa fille adolescente en train de petit-déjeuner.
Au jeu des silences, des gestes et des regards qui en disent long et permettent au spectateur d’avoir l’espace nécessaire pour y placer son émotion et y projeter son vécu, François Ozon préfère une écriture surexplicative et une caractérisation assez grossière (le père sexiste et égoïste, l’amant diabolisé, le mari hyper bienveillant…) et les petites blagounettes du vieux monsieur pour éviter l’écueil du pathos. Ne parvenant jamais à trouver le ton juste, toujours positionné maladroitement entre la comédie quasi burlesque, le mélo lacrymal et le polar – quand il s’agit sur la fin d’éviter de se faire prendre pour mener à bien cette mission d’exfiltration vers Berne -, Tout s’est bien passé ressemble à un sacré coup d’épée dans l’eau qui laisse finalement bien indifférent sur un sujet qui méritait bien mieux qu’un petit numéro de cabotinage de son acteur principal.
Bande-annonce
22 septembre 2021 – De François Ozon, avec Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas