ALI & AVA
Critique du film
Sur quels territoires nos amours peuvent-ils éclore puis croître ? C’est la question difficile à laquelle s’attelle Ali & Ava. Lui, trentenaire d’origine bangladaise ment à sa famille au sujet de sa relation désormais suspendue. Elle, veuve et assistante maternelle cinq fois grand-mère, est une survivante de violence conjugale qui a recomposé sa vie.
De ces destins fracturés nait une romance habitée. Si l’espace est en permanence à conquérir tant la toxicité de leur environnement pèse sur leurs protagonistes (la banlieue blanche ouvertement raciste, le poids du secret et le besoin de maintenir une façade), la musique relie et crée une continuité qui deviendra unité.
On pense nécessairement à Ken Loach au cœur de cet univers social britannique, la poétique individuelle prend ici le dessus sur le conditionnement social. Le refus de la réalisatrice du Géant égoïste de sensualiser le récit de ce rapprochement ne passe pas par la négation des corps mais se traduit par la volonté de les faire exister comme individus, de s’attarder sur les visages, sur une note harmonieuse au réveil matinal.
Avec pareil projet, le film ne pouvait échapper à une forme d’archétype d’un cinéma social anglais. Pourtant la complexité des personnages principaux, la force des secondaires, la puissance visuelle et sonore qui réconcilie le folk, le rap et la pop de La Roux scandant son Bulletproof (qui a déjà 12 ans et on se demande pourquoi) donne l’énergie au récit de prendre son envol. Une romance de confirmation pour personnages initiés, sensible parce qu’elle laisse parler nos failles, ces lieux magnifiques où les plus grands amours naissent.
Bande-annonce
2 mars 2022 – De Clio Barnard, avec Adeel Akhtar, Claire Rushbrook et Ellora Torchia.