WE ARE LIVING THINGS
Solomon, immigré mexicain sans-papier, rencontre Chuyao, une employée fétichiste d’un salon de manucure en situation irrégulière. Tous les deux partagent une passion pour les OVNI et vont être forcés de fuir sur les routes américaines.
Critique du film
We Are Living Things est le premier long-métrage depuis vingt ans d’Antonio Tibaldi, auquel on doit notamment On My Own (1991), présenté à Sundance et nommé à six Australian Academy Awards. Fruit d’une coproduction sino-américano-italienne, il met en scène à la fois un acteur mexicain, Jorge Antonio Guerrero, et une actrice chinoise, Xingchen Lyu, pour une action se déroulant aux États-Unis. Si la grande diversité d’origine devant et derrière la caméra est à noter pour un film indépendant, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle se prête assez bien à son propos.
Dans celui-ci, Solomon et Chuyao sont des marginaux de la société américaine, présents illégalement sur le territoire. Lui travaille dans une recyclerie de New York, elle dans un salon de manucure comme il en existe plein dans la Big Apple. Rien ne les aurait rassemblé dans cette fourmilière humaine si Salomon n’avait été mandaté pour réparer un tuyau défectueux dans l’appartement de Chuyao. Surtout, rien ne les aurait lié s’ils n’avaient un intérêt en commun pour les OVNIs.
E.T. TÉLÉPHONE MAISON
Pour autant, la présence éventuelle d’une vie extraterrestre n’est pas le sujet central de We Are Living Things, qui se concentre rapidement sur la relation étonnante entre ces deux déracinés qui, bien qu’ils soient arrivés sur la terre de tous les possibles, celle où les rêves les plus fous sont censés se réaliser, ont toujours la tête tournée vers le ciel. Du ciel, justement, on aperçoit, dans l’un des premiers plans du film, un faisceau de lumière qui descend sur Terre. L’existence des OVNIs est ainsi suggérée sans jamais être exposée directement à l’écran.
Le doute reste donc entier, mais l’essentiel est de toute façon ailleurs : en bas, nos héros connaissent tous deux des sorts douloureux. Solomon est à la recherche de sa mère, qu’il suspecte d’avoir été enlevée par ces mêmes OVNIs qu’il traque désespérément, tandis que Chuyao est contrainte par son petit ami de jouer les poules de luxe dans des rendez-vous de malfrats. La seule solution pour le couple d’infortune : la fuite vers des espaces plus vastes.
La mise en scène épurée et l’esthétique tendance post-apo font de We Are Living Things un monde en soi, un monde à part, où la radicalité devient norme pour un temps. Il est le récit de ce périple épris d’espérance et d’humanité pour deux êtres lumineux qui brillent au contact de l’autre. Le film évoque avec douceur et finesse une histoire où résonnent en creux les thèmes ô combien dissonants du protectionnisme, du contrôle des frontières, sans jamais appuyer son propos. Celui-ci fait d’autant plus sens dans un monde post-pandémie qui a vu les frontières se durcir, où l’extra-national se perçoit de plus en plus comme un lointain inatteignable.
Doté de véritables moments de grâce, We Are Living Things tisse durant une heure et demie une toile bardée d’étrangeté et de mystère auquel son dernier plan ne répondra pas entièrement, au risque de frustrer. Qu’importe, il maintient l’espoir d’un ailleurs où les âmes perdues peuvent se retrouver et rêver ensemble d’un nouveau départ.
Présenté en Compétition au Festival de Deauville 2021
Prochainement au cinéma – D’Antonio Tibaldi, avec Xingchen Lyu, Jorge Antonio Guerrero, Geoff Lee