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BLUE BAYOU

Antonio LeBlanc, d’origine américano-coréenne, a été adopté et a passé sa vie dans un petit village du Bayou de Louisiane. Aujourd’hui marié à la femme de sa vie, Katy, ils élèvent ensemble Jessie, la fille de cette dernière, issue d’un premier lit. Alors qu’il travaille dur pour offrir ce qu’il y a de meilleur à sa famille, il va devoir affronter les fantômes de son passé en apprenant qu’il risque d’être expulsé du seul pays qu’il ait jamais considéré comme le sien.

Critique du film

Savoir d’où l’on vient et où l’on se trouve peut aider à dessiner la suite de nos chemins de vie. Telle est la réflexion qui semble se dégager de la narration d’histoires qui, puisant dans la richesse des rencontres entre plusieurs cultures, interroge et met en perspective non pas ce qui cherche à nous déterminer par quelques lignes sur un document officiel, mais bien ce qui définit chacun d’entre nous intrinsèquement – nos choix. En sous-titrant son quatrième long-métrage par l’affirmation selon laquelle “le seul endroit auquel on appartient, c’est sa famille”, Justin Chon choisit de raconter un parcours identitaire en déclinant la filiation sous toutes ses formes, des plus cliniques au plus touchantes.

Sur le papier, l’ambition était de taille. Sous couvert de montrer la trajectoire d’un seul homme, Blue Bayou met en lumière un vide juridique cuisant qui subsiste encore aujourd’hui. En effet, le “Child Citizen Ship Act” de 2000, qui accorde la citoyenneté de leurs parents à tous les enfants adoptés à l’étranger par des ressortissants américains, ne protège pas ceux qui ont eu 18 ans avant sa promulgation – déclenchant une vague massive de déportations de ces derniers arrivés à l’âge adulte, la plupart n’ayant jamais connu aucune autre patrie que les Etats-Unis.

L’histoire d’Antonio LeBlanc, d’origine sud-coréenne mais imprégné jusque dans son phrasé chantant de trente années passées dans une Louisiane qui l’aura vu grandir et se construire, se fait alors l’écho de toutes ces autres qui auront été passées sous silence – non par manque d’intérêt mais, comme souvent, faute de connaissance de ce que les mécanismes juridiques ont de plus tranchant : l’automatisme de leur application.

MILLE (ET UNE) FEUILLE

Avec pour postulat de départ la dénonciation d’un non sens procédural, Blue Bayou réussit son pari premier de montrer combien le récit de son protagoniste est celui d’un ordinaire qui peut basculer du jour au lendemain. Chon filme les scènes du quotidien avec humour et douceur, et prend le temps d’exposer chacun de ses personnages avec un soin qui contraste avec la brutalité des événements qui viendront les perturber. S’il s’agit sans doute d’un parti pris de rythme, voulant mimer l’engrenage juridique et administratif impitoyable par lequel Antonio et les siens vont se retrouver dépassés, les péripéties s’enchaînent avec trop d’emphase pour ne pas être maladroites.

Blue Bayou

A peut-être trop vouloir filer la métaphore selon laquelle un malheur n’arrive jamais seul, pour pouvoir aborder plusieurs sujets différents, le film pâtit en effet de quelques afféteries. Si certains thèmes se répondent et se complètent, notamment le racisme permanent dont souffre Antonio et qui trouve son point culminant dans la bavure policière à l’origine de son signalement aux services d’immigration, d’autres sont traités bien trop superficiellement pour trouver leur place au sein du récit. Une volonté de faire “complet” qui se ressent également dans la mise en scène, où certains plans d’une beauté quasi onirique côtoient des cadrages sur coucher de soleil qui ne racontent rien de plus que ce que la très belle performance des acteurs ne transmette déjà.

Véritable force du film, le développement des personnages et leur interprétation arrive toujours à recentrer le film sur son propos premier. On citera évidemment Alicia Vikander, très juste dans le rôle de la mère se battant pour garder sa famille intacte, mais également Mark O’Brien, campant un père rejeté par sa fille après avoir été abandonnée par ce dernier. Mais surtout, c’est la dynamique entre Antonio et sa fille “adoptive” Jesse – sensationnelle Sydney Kowalske – qui achève de prendre au cœur le spectateur. Dépeignant des liens à l’opposée d’une parentèle biologique, elle délivre un très beau message à la fois sur la paternité mais plus largement, sur ce que l’amour pour et d’un enfant peut créer comme formidable sentiment d’appartenance.

Bien que souffrant de quelques lourdeurs, Blue Bayou illustre de façon extrêmement touchante ce qui nous lie les uns aux autres, et qui, à l’image des racines invisibles mais pourtant bien présentes des nénuphars de Louisiane, fait la sève de notre identité.

Bande-annonce

15 septembre 2021De et avec Justin Chon et Alicia Vikander


Un Certain Regard // Cannes 2021