NOUVELLE DONNE
Depuis l’enfance, Erik et Phillip, unis par une profonde amitié, ont pour ambition de devenir écrivains. Alors que le manuscrit d’Erik est rejeté, celui de Phillip est publié et le jeune homme devient du jour au lendemain une figure de la scène culturelle norvégienne. Six mois plus tard, Erik et ses amis vont chercher Phillip à l’hôpital psychiatrique…
Critique du film
Dans Nouvelle donne, premier long-métrage de Joachim Trier et le premier volet de la trilogie d’Oslo, poursuivie avec Oslo, 31 août et achevée avec son nouveau film Julie (en 12 chapitres), il est question de littérature mais aussi de cette période entre la fin de l’adolescence et le début difficile dans l’âge adulte. Difficile, car il faut parfois renoncer à ses rêves, ses idéaux, ou du moins les reconsidérer à l’aune d’une réalité parfois cruelle.
On se rêve brillant écrivain promis à une belle carrière et finalement on explose psychologiquement car trop fragile, ou parce qu’on a sous-estimé la dureté de la réalité. Phillip a craqué et aimerait reprendre sa relation avec son amie Kari – le titre original de Nouvelle donne est Reprise. Mais à revivre le passé ou à vouloir le recréer, ne risque-t-on pas de convoquer à nouveau les mêmes blessures, les mêmes fêlures ? La relation amoureuse de Phillip et de Kari semble avoir été le déclencheur de sa psychose.
Les raisons qu’on a d’écrire apparaissent souvent mystérieuses et la difficulté à trouver son originalité, sa singularité, parcourent également le film de Joachim Trier. Phillip et Erik vouent un culte à Sten Egil Dahl – très inspiré par Tor Ulven – mais peuvent-ils s’affranchir de cette influence ? Quand Phillip voit son livre publié – on apprendra plus tard qu’il s’intitule « Images fantômes » -, son passage à la télévision semble mal se passer, de même que plusieurs mois plus tard, Erik apparaît mal à l’aise face à la présentatrice de l’émission littéraire. Mais comme Joachim Trier le fait dire au personnage de Sten Egil Dahl quand il recueille Erik blessé : « La télé n’est pas un lieu où on parle de littérature ». Les deux jeunes hommes sont-ils faits pour être écrivains sur le long terme ou s’agit-il d’une posture, comme il existe une posture rock ou punk ?
La question du regard de l’autre, de ce que pense le groupe a son importance, quitte à se plier à des engagements immatures – quitter sa copine si on est publié ou à se plier à une certaine misogynie pour se faire accepter de ses camarades. Le film s’avère d’une redoutable lucidité quant à la difficulté d’être à la hauteur de ses ambitions, aux craintes que l’on peut avoir de passer à côté de sa vie, aux choix à faire qui conditionneront l’avenir ou aux réticences à s’engager en couple. « Quand un mec est en couple, il devient éteint » affirme l’un des personnages.
Dans sa forme, Nouvelle donne offre un très beau travail sur le son, un montage original et parfois ludique qui conjugue images en noir et blanc, voix off qui s’exprime au conditionnel et photos souvenirs qui donneraient à certaines scènes un aspect presque documentaire. La photographie, qui fait ressortir des couleurs froides, restitue parfaitement un esprit désenchanté ou dépressif. Le film offre aussi des moments de drôlerie ou de folie, comme cette party où les jeunes hommes refusent de baisser le son de la musique et dansent comme des adolescents. Les interprètes de Nouvelle donne, avec en tête Anders Danielsen Lie, Espen Klouman Høiner et Viktoria Winge forment une distribution à l’image de ce film : pleine de jeunesse et de fougue. Et avec un refus de plomber le film par une gravité superfétatoire.
À la fois désabusé et énergique, réaliste et traversé par une énergie rock, Nouvelle donne marquait les débuts prometteurs d’un cinéaste passionnant. On pourra découvrir ou revoir ce film, grâce à Malavida, dès le 20 octobre.
Bande-annonce
20 octobre 2021 – De Joachim Trier, avec Espen Klouman Høiner, Anders Danielsen Lie, Viktoria Winge