LES PROMESSES
Critique du film
Deuxième long-métrage de Thomas Kruithof après La Mécanique de l’ombre en 2017, Les Promesses (en compétition officielle à Venise en 2021) aborde de front deux sujets intrinsèquement liés : les rouages de la politique et le problème de l’insalubrité de certaines cités des banlieues.
Clémence, maire dévouée et combative d’une ville de Seine-Saint-Denis jamais nommée, a décidé de quitter la politique à la fin de son mandat pour passer le flambeau à une jeune femme de son équipe (Naidra Ayadi). Aidée par son fidèle bras droit Yazid (Reda Kateb), Clémence se bat avec passion pour sauver un quartier de sa ville miné par l’insalubrité et les « marchands de sommeil ». Quand elle est pressentie pour devenir ministre, une ambition jusqu’ici refoulée se fait jour, mettant à l’épreuve son rapport à l’engagement politique ainsi que son amitié avec Yazid.
Avec un scénario riche et équilibré co-écrit par le réalisateur et Jean-Baptiste Delafon (la série Baron Noir), Les Promesses s’attaque à un sujet de société délicat et récurrent et ne rechigne pas à plonger dans le réel pour trouver matière à créer une forme de fiction dont le cinéma français semble avoir perdu la recette, du moins depuis L’Exercice de l’État (2011) et Quai d’Orsay (2012). Davantage qu’à ces deux films, c’est au passionnant L’Ivresse du pouvoir (2006) de Chabrol qu’on pense, et pas seulement pour la présence d’Isabelle Huppert. Les deux films partagent une même volonté d’éclairer des zones d’ombre et de sonder la fragilité de la fidélité et des idéaux face à la tentation du pouvoir.
En mettant à nu les rouages de l’exercice du pouvoir, Thomas Kruithof et son scénariste montrent à quel point il est facile de s’égarer dans le « jeu politique » – où tout est affaire de relations, d’influences, de susceptibilités, d’égo, d’ambition – et ainsi de perdre de vue l’objectif premier.
Tension du quotidien
Sans tomber dans les poncifs du genre, sans manichéisme, Les Promesses fait monter la tension jusqu’à son paroxysme et réussit à rendre haletante une intrigue qui enchaîne pourtant des scènes qui, prises isolément, ne seraient pas passionnantes : réunions de copropriétaires, discussions entre élus et leurs assistants, conversations téléphoniques, repas… Il faut du talent au réalisateur pour nous happer et nous tenir en haleine pendant une heure trente huit, et pour ce faire, il s’appuie sur un casting de premier plan. Isabelle Huppert parvient à force de subtilité à faire ressentir ses atermoiements et ses doutes tandis que Reda Kateb est encore une fois impressionnant de justesse et de détermination. Quant aux autres acteurs, ils sont tous excellents, mention spéciale à Laurent Poitrenaux et l’excellent Hervé Pierre, grand acteur de théâtre, que l’on a vu récemment dans Benedetta.
Thomas Kruithof n’hésite pas à faire appel à un compositeur pour enrichir ses images, et c’est tout à son honneur tant la musique de Grégoire Auger (qui l’accompagnait déjà sur son premier film) ajoute une dimension de mystère, une profondeur et une densité admirable à ses images. Après un premier essai réussi, qui plongeait déjà le spectateur dans les arcanes du pouvoir, le réalisateur confirme donc l’originalité de sa vision et fait preuve d’une ambition assez rare dans le cinéma hexagonal. Sans doute une nouvelle voix à suivre.
Bande-annonce
26 janvier 2022 – De Thomas Kruithof, avec Isabelle Huppert, Reda Kateb, Naidra Ayadi
Festival Les Arcs 2021 // Film de clôture