L’HORIZON
Critique du film
Pour son premier long-métrage, Émilie Carpentier signe une comédie dramatique sociale et politique pleine d’énergie et de couleurs, hélas encombrée de représentations stéréotypées dont les personnages peinent à s’affranchir. La faute à un récit qui embarque le film du côté de la fable, le dépossédant de sa force de conviction.
L’Horizon rejoint la cohorte des films qu’on aurait voulu aimer davantage. On est heureux de retrouver ce ton de comédie et de combat qui faisait le sel des films de Coline Serreau, dont on s’étonne que l’époque ne lui trouve pas d’autre héritiers tant elle semble la rattraper. Il y a toujours une petite volupté à découvrir de nouveaux visages, on retiendra ici celui de Tracy Gotoas dont la présence éclatante fait un peu d’ombre à ses partenaires. Enfin, la convergence des luttes autour d’une prise de conscience écologique constituait un joli terreau pour évoquer une forme de flamme qui anime la jeunesse d’aujourd’hui, tendue vers un avenir meilleur, l’horizon du titre.
Adja et ses copines rentrent de la Japan Expo, déguisées et déchaînées, l’insouciance en bandoulière, quand elles tombent sur un barrage dressé par des militants écologistes venus sensibiliser les automobilistes à leur ZAD, des champs menacés par le projet d’un complexe commercial. Les filles justifient leur absence de conscience politique par une posture de résignation et de dérision. Face à elles, Arthur et Océane essuient les quolibets en attendant cibles plus dociles. Émilie Carpentier crée une émulsion narrative, en faisant se rencontrer deux mondes a priori étanches. Le choc attendu est ici passé au tamis des mécanismes de la comédie romantique (quand l’amour frappe là où on ne l’attend pas) : le chemin qui conduit Adja vers Arthur passera par une acculturation militante.
Est-ce l’amour qui conduit Adja à l’engagement, ou bien les convictions d’Arthur qui le rendent séduisant ? La question est moins importante que celle du sens qui anime progressivement Adja, loin des préoccupations égotistes de son amie Sabira, influenceuse addict aux réseaux sociaux. Malheureusement, le film peine à convaincre et à dépasser les poncifs auxquels il fait pourtant vœu de s’attaquer. La mise en scène, vive et rythmée n’évite pas un certain systématisme, notamment l’usage répété du drone pour conclure les séquences. Les personnages semblent évoluer dans une relation uniforme d’attraction/répulsion, dans laquelle se noient les nuances que le scénario avaient esquissées.
Le film se conclut dans l’impasse qu’il a peu à peu creusé, suspendu à une tension dramatique depuis longtemps diluée dans une réalité rendue trop factice par une représentation par trop caricaturale des protagonistes. Il demeure un grand nombre de promesses chez cette jeune réalisatrice dont on suivra le parcours avec intérêt.
Bande-annonce
9 février 2022 – De Émilie Carpentier
avec Tracy Gotoas, Sylvain Le Gall et Niia Hall